
« Le Vin est d’inspiration cosmique, il a le goût de la matière du monde. Qui sait déguster ne boit plus jamais de vin, mais goûte des secrets »
Salvador Dali
L’intensité de nos vies ne se mesure pas à l’aune de nos possessions ou de nos pouvoirs, mais juste par des émotions. Et qu’est-ce qui créée ces émotions ? Les interactions humaines, le partage, les instants mémorables : une réussite, l’ascension d’un sommet, une naissance, la perte d’un être cher, la contemplation des beautés de la nature, et bien sur les plaisirs que nous donne la vie : le vin en est un. Un symbole civilisationnel aussi, il ne faut pas l’oublier.
La viticulture et l’œnologie font partie des domaines historiques, à l’instar de la médecine ou de la composition musicale, dans lesquels le rôle et la valeur apportés par les femmes a toujours été occulté ou minimisé. Qui connait Lalou Bize Leroy ou Véronique Rivest ? Ce sont pourtant des personnalités iconiques du monde du vin. Lalou Bize Leroy, que j’ai eu la chance de rencontrer lors d’une dégustation de ses vins (de mémoire les millésimes 2008 puis 2010) m’a impressionné par sa sensibilité et sa connaissance, à la fois de la vinification (comment on fait du vin à partir du raisin), de l’œnologie (comment on “élève” le vin) et bien sûr de la dégustation, qu’elle maîtrise à la perfection. Aujourd’hui, 30% des œnologues, plus de 30% des chefs d’exploitation viticole, 50% des élèves en œnologie et 65% des consommateurs de vin sont des femmes.
L’histoire connue des femmes dans le vin remonte au XVIIIème siècle, avec des veuves qui, suite au décès de leur mari, sont entrées de plein pied dans le monde viticole. La veuve Joséphine de Lur-Saluces reprend en 1788 la tête du Château d’Yquem et lui offre alors le prestige qu’on lui connait aujourd’hui. On pourra aussi citer les deux veuves les plus connues de Champagne, Jeanne Alexandrine Pommery et Barbe Nicole Clicquot, qui ont mis au point des innovations qui ont marqué le monde champenois à jamais. Madame Pommery a développé le Champagne “brut” en diminuant le dosage de liqueur pour satisfaire sa clientèle anglaise – provoquant ainsi une véritable mutation de la production et des goûts en matière de champagne. De son côté, Madame Clicquot est, elle, à l’origine du dégorgement des bouteilles par le procédé de la “table de remuage”.
Les femmes sont aussi devenues des références en matière de dégustation. La Britannique Jancis Robinson débute sa carrière de critique en vin en 1975 à l’âge de 25 ans au sein du magazine Wine & Spirit. Plus tard, elle deviendra chroniqueuse pour le Financial Times et écrira le fameux “Atlas mondial du vin”. Aujourd’hui, son compte Twitter est suivi par plus de 260 000 amateurs de vin, faisant d’elle la critique la plus suivie au monde.
Mais le domaine qui m’intéresse le plus est celui des vigneronnes et oenologues. Je trouve que les femmes ont dans ce domaine une sensibilité et un instinct qui, au-delà de leur savoir-faire, leur permet de réaliser de magnifiques vins, souvent tout en subtilité aromatique (avec une gammes très large de parfums) et en équilibre (entre tannins, alcools, acidité, et sucres également pour certains vins).
Pour avoir eu la chance de côtoyer de nombreuses vigneronnes et maîtres de chai, j’avais envie de développer la valeur apportée par les femmes dans cet exercice. J’ai eu le plaisir et la chance d’en rencontrer dans de nombreuses régions, en particulier la Provence (Dominique Hauvette – Domaine Hauvette, Carole Salen – Domaine des Bastides, Phanette Double – Château de Beaupré, mais aussi l’Alsace (les sœurs Faller du domaine Weinbach, Agathe Bursin – domaine Bursin ou Mélanie Pfister – Domaine Pfister).
La semaine prochaine, je vous parlerai de ces personnalités exceptionnelles.
Wilfrid Guerit