
Note de lecture – « Les riches contre la planète » de Monique Pinçon-Charlot, par Nicolas Nadal
Dans « Les riches contre la planète : violence oligarchique et chaos climatique », la sociologue Monique Pinçon-Charlot, ancienne chercheuse au CNRS, reconnue pour ses travaux sur la grande bourgeoisie, publie en 2025, une analyse incisive du rôle central de l’oligarchie dans la crise écologique actuelle. S’appuyant sur une trentaine d’études de cas (la neutralité carbone, le glyphosate, le chlordécone aux Antilles, TotalÉnergies, les jets privés, les COP, le procès en France 2024 d’une victime de l’agent Orange etc.), elle démontre la collusion entre élites politiques et industries polluantes, et met en lumière les stratégies des plus riches pour maximiser leurs profits tout en saccageant la planète. C’est un ouvrage percutant, qui met à nu les mécanismes de la domination oligarchique et leur responsabilité dans la crise climatique. avec une démonstration étayée et engagée, invitant à repenser radicalement notre rapport à la richesse, au pouvoir et à la planète.
Un constat implacable : l’oligarchie climaticide
L’ouvrage s’ouvre sur un constat : l’écologie, loin d’unir l’humanité, accentue les fractures sociales. D’un côté, une minorité ultra-riche, prédatrice, se protège du chaos climatique qu’elle contribue à provoquer ; de l’autre, la grande majorité du vivant, humains et non-humains, en subit les conséquences. M. Pinçon-Charlot insiste sur l’incompatibilité entre capitalisme et écologie, dénonçant « le capitalocène » plutôt que « l’anthropocène », pour souligner que la responsabilité du désastre écologique incombe avant tout à une classe capitaliste minoritaire et non à l’humanité entière
Des chiffres qui accusent
La sociologue s’appuie sur des données frappantes : les 10 % les plus riches de la planète émettent près de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tandis que 50 milliardaires polluent plus que 1,3 milliard de personnes. Les plus riches, explique-t-elle, ne se contentent pas de polluer via leur mode de vie (jets privés, yachts, propriétés immenses) ; ils investissent aussi massivement dans des secteurs hautement carbonés, aggravant la crise climatique.
Stratégies de domination et de sécession
- Pinçon-Charlot décrit comment l’oligarchie organise sa propre critique, finance des initiatives écologiques de façade et promeut des concepts comme la « transition écologique » ou la « neutralité carbone » pour mieux préserver ses intérêts. Elle évoque aussi la construction de bunkers et de refuges de luxe par les ultra-riches, illustrant leur volonté de se mettre à l’abri du désastre qu’ils ont eux-mêmes engendré. Ce séparatisme social et écologique alimente un cercle vicieux : les profits issus de la destruction de l’environnement servent à renforcer l’entre-soi et la domination des plus fortunés.
Une critique du « capitalisme vert »
Le livre démonte les illusions du « capitalisme vert » et de la croissance durable, dénonçant la récupération de la cause écologique par les puissants pour créer de nouveaux marchés sans remettre en cause la logique de profit.
- Pinçon-Charlot insiste sur la nécessité d’une rupture radicale avec le système capitaliste, seule voie possible pour sortir du chaos climatique
Des pistes pour l’action
Malgré la gravité du diagnostic, l’autrice propose des pistes pour résister : coordonner les luttes à toutes les échelles, expérimenter de nouveaux modes de vie plus sobres et solidaires, et déconstruire l’idéologie néolibérale qui justifie la domination des riches. Elle appelle à une prise de conscience collective et à une mobilisation citoyenne, rejoignant le mouvement de désobéissance civile des « scientifiques en rébellion » face à l’urgence écologique.
Nicolas Nadal
Bibliographie :
- Evgeny Morozov, Pour tout résoudre : cliquez ici, l’aberration du solutionnisme technologique, 2014
- Monique Pinçon-Charlot, Les riches contre la planète – Violence oligarchique et chaos climatique, 2025
- Pierre Rhabi, Vers une sobriété heureuse 2016