
Comme l’écrit l’éditeur, la collection Le Semainier « espère proposer une poésie de notre temps sans concessions à notre temps ». Quoi de plus ambitieux, de plus noble que cette profession de foi littéraire ? Joli petit livre sobre, Chant pour une âme sans défense – écrit de la maturité -, rassemble en un tout d’émotion harmonique la quête primordiale du poète. Longue vie d’écrivain et de passeur d’écrivains, soixante années d’écriture font longue mémoire de déchirure et de consolation.
L’homme Cailleau mâche sa vie et ses mots, il « fouille un temps sans âme, un futur oublié qui n’est de nulle part ». Son itinéraire – « On marche, suivant ses empreintes, là où l’on n’est jamais passé » – nous serre le cœur.
On soupçonne Claude Cailleau de vivre pour avoir vécu, d’aimer par-dessus tout retrouver dans sa mémoire l’étreinte de l’instant, la délicieuse douleur de vivre, éclairée de la lueur lointaine du souvenir, du « violon fané », de « l’enfant endormi devant la cheminée », « l’homme se tait, à l’écoute d’une enfance perdue dans les couloirs du temps ».
Chaque poème de trois strophes en octosyllabes est, à chaque page, accompagné d’un commentaire par l’auteur, citant entre autres figures aimées en appui de l’éclairage qu’il nous donne, Paul Valéry, René Char, Roland Nadaus, Louis-René des Forêts, Georges Perros en un court exercice d’admiration.
Citant Reverdy : « Je ne sais pas qui je suis, je ne sais même pas si j’existe ».
Cailleau la déniche, la grande affaire ; celle qui sauve, qui pourrait sauver ? « Attendre… Attendre… la poésie ». Elle l’aura travaillé toute sa vie, il l’aura travaillée quand fugitive elle surgissait attendue, pressentie, espérée. Tant dans son métier d’enseignant que dans celui de vivre, dans celui d’écrire.
Mis là, entre parenthèses, certes : « (mais l’homme qui vieillit peut-il plonger au fond de son âge ?) ». Cependant tout est dit. Et soudain l’éternité : « Ce caillou noir, lisse d’attentes » qui résiste, dont « l’énigme enfermée, sereine, dans l’écrin du temps, recèle à jamais la pensée, guide des routes que tu prends ».
Citation encore, peut-être de lui-même : « Le poète est une solitude à habiter ».