
Alors aujourd’hui ?
La Poésie c’est Tahiti.
C’est à dire un confetti, un petit pays qui fait 0,6% des livres
publiés en France (théâtre compris). Mais petit pays toujours
très peuplé, nous assure-t-on (!).
La littérature de la littérature ?
Dire que pour R. Caillois la Poésie c’était le comble de la Littérature (1956).
Beck lui répond aujourd’hui : la poésie est un confetti
laboratoire mais d’une remarquable biodiversité, c’est la littérature de la littérature… !
En écho C. Prigent (2004) :
une radicalisation de la littérature (…) la littérature au pire…
Ouf ! R. Caillois peut dormir dans sa tombe.
Prose ou Poésie ?
Ce serait toujours la guerre des territoires ?
(cf. Mandelstam 1923)
Coton, pour s’y retrouver… !!
Guerre courtoise, mais guerre quand même selon Nietzsche
(1882) qui voyait le combat incessant que livre la prose à la
poésie : la guerre est la mère de toutes les bonnes choses, la
guerre est aussi la mère de la bonne prose… car la prose modère
les enthousiasmes de la poésie…
La littérature combien de divisions ? demandait Staline le petit
père de la Poésie Socialiste. Désormais on n’entre plus en
littérature comme en religion, je veux dire en opium. Là gare,
ça guerroie, ça cogne, ça canarde…
Une guerre des genres ?
entre vers et prose ?
Heureusement il y a notre guide national, notre chaleureux
Molière :
Tout ce qui n’est pas vers est prose,
et tout ce qui n’est pas prose est vers
Merci Monsieur Jourdain (1670)
Ça, c’est envoyé ! Le bon peuple sait où habite la prose et où
demeure la poésie…
Si tu sais ce qu’est un vers tu peux entrer en poésie. C’est
simple quoi !
Mon exemple ? J’ai voulu écrire un poème boucher. Ayant
mes entrées dans le monde de la boucherie je sais que l’art de
la découpe est primordial. La découpe c’est le nerf de la
guerre immémoriale entre prose et poésie.
J’ai donc pris un couteau bien aiguisé et me suis lancé comme
Prigent qui écrit au couteau (1993)…
(dilemme au passage : je me suis aperçu qu’en poésie on ne
travaille que dans le gigot ! ne ferait-on que de la poésie pour
les riches ?)
Je te le dis, armé de ton couteau à découper tu peux entrer en
territoire poétique de langue française et circuler sur la
grande scène poétique mondiale (J. Roubaud 2010) si tu
reconnais toutefois ces plaques minéralogiques :
VCR le vers compté rimé (traditionnel : alexandrins and co)
VLS le vers libre standard (des surréalistes)
VLE le vers libre énergumène (D. Roche qui tort le VLS)
VIL le vers international libre…
Poésie moderne / Poésie contemporaine
N’exagérons pas, il y a certes des croisades aux frontières de
l’empire-confetti, mais à ne pas confondre avec les grandes
guerres historiques ou intestines à la Poésie que tu peux, tu
dois repérer dans cette grande famille :
– classiques contre modernes
– formalistes contre lyriques
– lyriques contre textualistes
– poètes-Jivaros contre poètes-refuzniks :
Détruire le vers disent-ils – D’ailleurs la poésie n’existe pas
– formalistes contre néo-formalistes :
Les meilleurs forma-listes disent quelque chose malgré tout, à
leur cœur défendant – P. Beck).
– néo-littéralistes contre néo-lyriques
– poéticiens contre poétiseurs
Que ton vers soit la bonne aventure (…) et tout le reste est
littérature ? Mais alors Verlaine se serait-il trompé ?
La bande des quatre
Il est vrai qu’une série de ruptures a marqué la Poésie
française : Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud, Lautréamont. Les
exceptionnelles secousses sismiques qu’ils ont provoquées
font un moment croire au progrès poétique, parallèle au
progrès scientifique avec d’imperturbables avant-gardes. Leur
prestige a exalté et continue d’exalter bien des générations.
Depuis les chemins de la poésie s’écartent, se brouillent,
vagabondent au gré des schismes, des crises.
Retours et détours : Poésie nomade
Certains le pensent, l’aventure du vers est terminée, d’autres
questionnent : Prosodie où es-tu ? Reviendras-tu… (Butor)
Je sais seulement qu’à partir de Crise de vers (Mallarmé 1889) la
prosodie française classique va s’écrouler et laisser place au
vers libre… Maintenant le VIL (Vers International Libre) est notre
“passeport” à tous. Plus de vers compté ni rimé, il va
simplement à la ligne, sans autres exigences formelles.
En quel régime de langage naviguer alors ? poème en prose,
prose poétique, va et vient de la langue entre vers et prose ?
Choisir entre proso-poésie ou une large prose martelée en
versets (O.Milosz 1937), ou bien comme Pessoa avouait : j’écris la
prose de mes vers (1935).