
Épisode III – Assommons les poètes !
Aujourd’hui tu peux naviguer sur tous les flux, tous les
courants poétiques contemporains. Facile :
– soit ils glissent vers la pose, la prose et flottent en minces
archipels, tombent alors dans le grand courant de la prose
(Michon) ou de la prose litanique (Tarkos 2004)
– soit ils resserrent le vers, le fouettent, l’étranglent pour éviter
toute chute dans la poésie lyrique (Stefan), soit vantent
l’octosyllabe des trouvères du nord (Darras).
Est-ce là une brève séquence de la poésie française ?
Européenne ? Mondialisée en 2010 ?
Julien Gracq suggère : En matière de poésie, il y a longtemps que
Rome n’est plus tout à fait dans Rome, et qu’elle a commencé à
nomadiser (2002).
Croire à la Poésie ?
Cette baleine échouée, la Poésie… (Prigent – 2010)
La Poésie ? Ça n’existe pas, ça n’existe pas aurait dit Zazie ?
Il y a un besoin de poésie aussi fondamental en l’homme que la
faim ou le besoin sexuel – Chalamov (1965 )
Nous avons besoin de Poésie pour nous libérer de la guerre des
dieux, pour travailler, pour déclarer notre amour, pour guérir, et
aussi pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur de notre
langage – M. Butor (1995).
Tu te rappelles les années 60 ? On doutait qu’il y eut quelque
chose de commun entre Homère et Mallarmé (Caillois). Mais
aujourd’hui certains doutent de la descendance mallarmé-
enne où la France a enfermé la poésie pendant un siècle (T.
Clerc). Tu me diras alors quel marqueur pour croire au genre
poésie ? Comment croire que, malgré tout, il y a quelque
chose de commun entre Homère et Tarkos par exemple ?
Tu as dit Poésie ? Irrévocable question…
Universelle interrogation ! Universelle recherche d’espaces
inconnus, de forces invisibles qui circulent dans la sève des
arbres !
La poésie lieu d’énergie, comme le voisinage de la mer, d’un
glacier ou d’un volcan…
Tu choisiras.
Mais c’est toi qui a dit poésie…
A toi de te diriger. De trouver la formule et le lieu.
Méfie-toi, le goût de la poésie est répandu chez les Français
autant que l’instinct maternel chez les poissons (A.P. de
Mandiargues – 1985).
Méfie-toi des poètes jardiniers à la française épris de conci-
sion latine et de parti pris pour la forme (F. Ponge).
Pas interdit de chanter.
C’est la poésie qui chante. J’aimerais faire chanter la prose… (P.
Michon-1998).
Pour J. Genet, le galérien féerique, toujours amoureux de la
poésie, une seule définition sérieuse de la poésie :
La jonction du visible et de l’invisible
(Notre-Dame des fleurs 1988).
Écrire un poème c’est faire des nœuds dans les phrases et obliger
la personne qui va le lire à les défaire, comme un paquet cadeau.
(Un instituteur anonyme 2010).
Poème : Le chant d’un pécheur qui s’éloigne dans les roseaux…
(Wang Wei 8ème siècle)
De poésie ton cœur s’est épris…
du chant d’écrire
sur des feuilles mortes
pour appeler le vent
( anonyme – 2080)
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Episode II Travailler dans le gigot