
Épisode IV – 2ème combat intergalactique
2ème combat intergalactique :
Poésie et Philosophie
Rivales ou Riveraines
Réfléchir à la poésie… active les neurones !
Voyage vers le langage
Tu le sais, au commencement était le chant, la poésie. Dans
toutes les cultures, toutes les mythologies, Sumer, Égypte,
Chine, Grèce antique… Puis vinrent les philosophes.
Scène primitive
Poésie, philosophie, l’étonnement est leur source commune.
Mais depuis la caverne de Platon, force, violence sont au
principe de l’accouchement de la philosophie.
Tandis que la poésie reste prise dans l’émerveillement origi-
naire, dans la présence des choses.
Leurs chemins alors se séparent, entre elles un abîme.
Elles cheminent sur des monts séparés. Le conflit des origines
vient jusqu’à nous (M. Zambrano -1939).
Poésophie à l’aube de la modernité
– 17ème siècle, c’est le moment où Galilée fait apparaître la
matière : La lune, agrégat de symboles confirmant la struc-
ture religieuse du monde, se révèle un désert de cailloux !
La dernière lucarne ouverte dans l’horizon se referme et oblige à
revenir à terre, à notre terre. C’est le début du refus, du reflux des
mythes et du religieux (Bonnefoy 2010).
– Avec Kant tout recommence, la poésie est capable de suggé-
rer l’absolu, le supra-sensible mieux que tout autre forme de
langage.
Dans l’Europe scientiste du 19ème le romantisme rapproche
Poésie et Philosophie : elles s’étreignent, partagent un même
instinct de ciel et se séparent à nouveau, au stade des
prétentions métaphysiques, stade religieux (sacre de l’écri-
vain), qui sera suivi plus tard du stade esthétique puis du
stade éthique (J.C. Pinson – 2002).
20ème siècle : les mots qui fâchent très forts …
Avant-garde
Enchanter
Transcendance
Vide Néant
Finitude Éternité
Salut Espoir
Âme Infini
et encore : être….
Vrais marqueurs des conflits entre philosophes et poètes…
(et en Chine ? où le verbe être n’existe pas… ?)
Tout le 20ème siècle est balisé d’un dialogue éclaté : Tu verras
tout y passe : la vérité, le sens, l’être… Terribles pommes de
discorde entre Poésie et Philosophie !
Les philosophes, hommes de raison, reprochent aux poètes
leurs glorieux mensonges faute de les comprendre, et les
soumettent à un arrogant questionnement philosophique.
Dans le même temps ces mêmes philosophes n’hésitent pas à
recourir à des sentences de poètes pour assurer force et
crédibilité à leur pensée ! (Nietzsche).
Ce qui oppose le discours philosophique et la parole poé-
tique ? La poésie est intuition de présence aux limites de la
pensée conceptuelle, elle ouvre à la dimension de la finitude
(Bonnefoy – 2002).
Un passé impensé
Pendant nombres de siècles le passé de la Poésie a été
impensé car remplacé par des représentations mythologiques
ou religieuses.
Léopardi en Italie (Zibaldone 1830), Baudelaire en France
(1861) sont les premiers poètes à dimension spéculaire, à
penser, à réfléchir à une poésie critique.
Avec Heidegger advint encore un grand débat, surtout en
France (Heidegger invité par R. Char en 1955) : Hölderlin à
l’appui, selon lui, la poésie pense parce qu’elle atteint la source
de l’être et du sens.
Tu imagines donc les réactions de contre-pied qui ont suivi : J.
Roubaud (1993) par exemple affirme haut et fort que la poésie
ne pense pas, que ce n’est pas son affaire… ! Le sens c’est
l’affaire du roman. Point barre.
Ou bien alors l’affaire de la philosophie ? Wittgenstein qui
explore les limites du langage, finit par rejeter toute
métaphysique, tout néopositivisme, toute explication ultime et
résume – oh grande surprise – sa position : la philosophie, on
devrait ne l’écrire qu’en poèmes ! (1945)
Sens ou forme
Je te soumets ces beaux nœuds gordiens :
– Fétichiser le sens, sans diviniser la poésie ?
– Fétichiser la forme, sans diaboliser le sens ?
Et ces impeccables antinomies qui attisent :
– Subvertir par la forme ?
– Subvertir pour la forme ?
Hors de la langue point de salut ?
Changer la langue : sais-tu que déjà Mallarmé voulait faire une
thèse de linguistique ? Concomitant au changer le monde de
Marx, lors d’une des périodes les plus désolées du capitalisme
en France (Barthes 1977)…
Quand le ciel de la poésie est vide le salut ne peut être cherché que
dans la langue (H. Friedrich-1999).
Tu le devines, à ce point de débat confluent bien des options
poétiques :
– Ceux pour qui la langue est la seule réalité, le seul lieu de
séjour où vivre en poésie, y bâtir son jardin s’y enfermer
(Mallarmé et sa longue descendance)
– D’autres pour qui la forme de langue sert à bâtir un lieu
d’existence ouvert au monde où l’on peut rencontrer la réalité
des autres êtres (Bonnefoy, Glissant).
- Gombrovitch s’était prononcé dès 1947 Contre les poètes
contre les partisans du beau, de l’art pour l’art, parce que l’art
poétique le plus parfait peut se détacher de l’homme et
devenir un « art en soi ». Aucun poète n’est exclusivement
poète, en tout poète vit le non-poète, celui qui ne chante pas
et qui n’aime guère le chant.
Balancements : d’un ISME à l’autre
Faut s’y faire, ne pas avoir peur des ISMES, tu vas voir
Lyrisme, Formalisme, Textualisme,
Lettrisme, Mallarméisme…
Illusions – Désenchantement- Désastre
Après l’illusion romantique (changer la vie)
Après l’illusion poétique (Hölderlin, Mallarmé,)
Après l’illusion poético-politique (Prigent, Gleize,)
L’illusion po-éthique ? (Jacquottet, Bonnefoy, Glissant,)
L’illusion athéologique ? (Badiou,)
Après les années soixante, après les décapeurs, les décon-
structeurs des glorieux mensonges des poètes, des illusions de
plusieurs générations…. il y a du boulot !
Episode III