De la même façon que les Sweet, Slade a été boudé voire décrié par les « rock critics sérieux » pendant la période du Glam Rock. Là encore, c’est parfaitement injustifié. Ce groupe tournait depuis le milieu des années 60 et avait copieusement écumé les clubs et les salles de spectacle britanniques. Avant même qu’ils n’aient un N°1, on avait déjà à faire à de vieux routiers du Rock anglais. On peut le constater dans Slade Alive, album en public enregistré juste avant que ne commence leur ascension. Cette expérience scénique acquise à la dure dans un quasi anonymat n’est d’ailleurs pas sans rappeler les débuts des Beatles en blousons noirs à Hambourg ou au Cavern Club de Liverpool. Quand le public ne vous connaît pas, n’a aucun a priori positif et est prêt à vous jeter des canettes de bière au moindre faux pas, l’expérience est très formatrice pour un groupe. S’il survit à l’épreuve, s’il passe le baptême du feu, il en ressortira grandi et fera preuve d’un naturel étonnant dans des salles de spectacle « normales ».
Les membres
Noddy Holder a une voix… Etonnante ! Instantanément reconnaissable et très originale. Une bonne partie du son Slade, c’est lui. Bon guitariste rythmique, le côté rocailleux de sa voix est contrebalancé par une attitude franchement amicale avec le public et une sorte de négligence vis à vis de son propre statut de star. Dave Hill est le guitariste soliste. Son look, ses fringues, sa coupe de cheveux et son attitude scénique qu’on ne peut manquer de remarquer lui ont fait dire aux compositeurs du groupe : « composez les chansons, moi je vais les vendre ». Avec Jim Lea on a à faire à un type de personnage plutôt rare dans le Rock à l’époque. Il a étudié la musique au conservatoire, sait lire et écrire des partitions, est violoniste et pianiste en plus de bassiste. Il aura un rôle très important dans les arrangements des morceaux moins rock, plus délicats, de Slade, les ballades en particulier. Don Powell est un bon batteur, parfaitement adapté au style du groupe. Avec Noddy Holder et Jim Lea, ils créeront tous trois une rythmique puissante, c’est le moins que l’on puisse dire.
L’ascension
Début 1971. Slade vient d’obtenir son premier hit avec Get Down And Get With It (extrait de Slade Alive). L’opportunité d’une vraie carrière s’offre enfin. Sous l’impulsion de Jim Lea, Nolder et lui composent une chanson avec du violon. Elle s’appellera Coz I Luv You et débutera un partenariat qui propulsera Slade au sommet. Les fautes d’orthographe dans le titre ont pour but d’imiter l’accent de leur région du milieu de l’Angleterre, le Black Country. Le procédé sera systématiquement utilisé pour les titres des chansons du groupe :
Look Wot You Dun pourrait être considéré comme le petit frère de la précédente, elle est dans la même veine :
Avec Take Me Bak ‘Ome, on revient à un Rock ‘n’ Roll plus caractéristique de Slade :
Mama Weer All Crazee Now :
Gudbuy T’Jane reste une des chansons les plus connues de Slade :
Entrée directement N°1 dans les charts, avec Cum On Feel The Noize, Noddy Holder et Jim Lea expriment le sentiment d’un groupe qui reçoit l’adhésion d’une foule par les cris et lui renvoie cette excitation en retour. Inutile de dire que le public de Slade adorait cette chanson en concert :
Skweeze Me, Pleeze Me :
1er single issu de leur grand album Old New Borrowed And Blue, My Friend Stan :
Fin 1973, Slade se prête à une coutume caractéristique du show biz classique, la « chanson de Noël » et on peut dire qu’ils s’en tirent plutôt bien, contrairement à d’autres artistes. La chanson sera régulièrement reprogrammée pendant tous les noëls suivants en Angleterre où elle figure aisément dans le top 5 des chansons de Noël encore aujourd’hui. Merry Xmas Everybody :
Everyday est une très belle ballade, 2ème single issu de Old New Borrowed And Blue :
3ème single du même album, When The Lights Are Out :
Encore en provenance de cet album, Miles Out To Sea :
Le résultat de tous ces succès est que Slade, sur une période de seulement 5 ans, sera l’artiste britannique qui aura vendu le plus de singles en Angleterre pendant les années 70 !
Slade in Flame
En janvier 1975, sort Slade in Flame, un film de fiction où tous les membres du groupe jouent le rôle d’un groupe obscur de la fin des années 60 qui parvient au succès puis se sépare à cause des rivalités entre les membres dont l’égo et les problèmes personnels augmentent en même temps que leur célébrité. Parfois décrit comme le Citizen Kane du Rock ‘n’ Roll, le long métrage montre sans concession les dessous du show biz, les magouilles omniprésentes pendant les concerts et la vie parfois déprimante et risquée d’un groupe obscur confronté au succès. Il faut dire que Slade, de par son début de carrière, en connaît long sur le sujet. Ils seront salués par la critique pour le naturel de leur jeu d’acteur, Noddy Holder en particulier.
Le problème, dans toute cette lucidité, c’est que ce n’est pas très Glam ! On est bien loin du Born To Boogie de T. Rex ou du Ziggy Stardust Live de David Bowie. Il ne s’agit pas d’une ode à des stars mais d’un vrai film avec un vrai scénario. La pluie de paillettes a un goût acide. Dans une époque pleine de rêves et d’apparences, cette crudité n’était pas de mise et n’avait rien pour séduire. Personne n’avait envie de revenir à la réalité, surtout quand elle brille aussi peu. D’où peut être le succès relatif du film quand il est sorti, même s’il a largement été réhabilité depuis.
La bande originale, dont la musique est très orientée 60’s pour les besoins du film, contient quelques chansons remarquables dont How Does It Feel ? et Far Far Away.
Nota bene
En effectuant la recherche pour écrire cet article, une chose m’a frappé. L’histoire de Slade est exempte des drames habituels que l’on rencontre plus ou moins toujours dans le parcours des groupes de Rock ‘n’ Roll. Pas de débauche, de dérives éthyliques ou stupéfiantes, pas de trahisons, de rancœurs, de rivalités ou d’engueulades. Bref, un groupe de copains sans histoires, unis par une profonde amitié et une compréhension mutuelle. Des gens simples, la tête sur les épaules, sans dérives existentielles, pleins d’humour et de désir de communiquer avec leur public. Juste des musiciens qui s’amusent bien à faire ce qu’ils font, s’y consacrent pleinement et qui, en plus, se paient le luxe d’avoir un manager/producteur qui est leur parfait complément : Chas Chandler, ancien bassiste des Animals.
Je n’ai pu m’empêcher de repenser à l’image que l’on se fait du Rock ‘n’ Roll quand on est un gamin de 13 ans qui rêve de jouer dans un groupe. C’est une image fraiche, simple et enthousiasmante, peut-être un peu naïve, certes, mais entièrement positive. Slade correspond parfaitement à cette image et peu de groupes sont dans ce cas. Le rêve et la réalisation du rêve, c’est tout. Le reste n’est que travail et persistance.
Les adieux au Glam Rock
En 1975, Slade est parfaitement lucide sur la fin inévitable du Glam Rock et tire sa révérence au bon moment, avec humilité et gratitude. Thanks For The Memories :
Le groupe a existé sans le Glam Rock de 1966 à 1971. Il continue toujours son activité sans lui depuis 1976 car il n’a jamais eu besoin de ce genre musical pour être Slade, c’était seulement le point culminant de leur carrière.
Une dernière comptine
Slade a toujours parlé à un public très jeune qui, par nature, se préoccupe surtout de l’instant présent. Ces musiciens ont toujours réussi à être totalement en phase avec cet état d’esprit et avec leur public. En 1975, le Glam Rock est en train de disparaitre et Slade, dont tous les membres approchent la trentaine, après avoir faits leurs adieux au genre et à leurs fans avec Thanks For The Memories, vont délivrer un dernier message à leurs propres fans, un double message : ne trahissez pas un jour ce que vous êtes maintenant et commencez à devenir ce que vous rêvez d’être. How Does It Feel?
Les paroles :