
Éveil de l’impossible
À la fille de l’Aubrac, encore une fois
Salah Al Hamdani
1
Ma bien-aimée
Tu es mon horizon
Non pas un terme
mais une brèche caressante où le réel s’évapore
et glisse lentement dans un vertige
qu’aucun raisonnement n’atteint
Tu es la lueur furtive au bord de ma nuit
une braise indomptée qui lacère
l’ombre
d’un monde infâme
un monde qui laisse mourir, là-bas
ceux qui ont crié leurs vies jusqu’à se taire
Parfois
je hume un peu de ma mère
lorsque l’on coupe du pain chaud
et dans la gorge sombre des tunnels de l’exil
là où des ombres s’allongent
de grands chevaux muets galopent
à la frontière de l’oubli
Parfois
je surprends ma mère dans les bras tremblants
d’une aube inachevée
Une aube qui retient son souffle avant de naître
Elle seule savait que le monde
peut s’effondrer
sous le poids d’espoirs illimités
2
Et toi ma bien-aimée
tu es ce souffle venu d’un temps décousu
un murmure arraché à des heures qui ne m’appartiennent plus
un temps où le mystère rit sur les visages des hommes
où les ruelles de l’enfance s’ouvrent d’elles-mêmes
pour laisser déambuler des dunes égarées
Aujourd’hui
je marche vers une patrie
comme on marche vers un mirage
avec la lucidité d’un naufragé
la faim d’un rêveur
prêt à boire la steppe entière
pour une seule goutte de mémoire
3
Ma bien-aimée
tu es mon horizon
mais aussi cette bête obscure lovée sous ma peau
le souffle et sa brûlure
l’orage et sa clairière
et cette contradiction qui perpétuellement m’érige
me fracture
et me rebâtit.
Salah Al Hamdani
Poème inédit



