Il avance. Bras tendus, mains ouvertes, palpant à tâtons l’épaisse obscurité. Il ne voit rien, se dirige de sensation en sensation. Faut-il répondre aux appels à le suivre qu’il lance avec la périodicité d’une horloge comtoise ? C’est ainsi qu’il nous dirige, d’intuition en intuition et qu’il convoque à des réunions tardives au cours desquelles rien ne se dit mais tous, in petto, s’imaginent un destin.
L’idée de répondre aux problèmes de l’heure lui vint brusquement lorsqu’il se cogna au chambranle d’une porte. Il comprit, après plusieurs tours de France, que s’il voulait gouverner en solitaire il lui faudrait mo-bi-li-ser. Et comment mobiliser plus solidement qu’en réunissant les parties prenantes ? Après la Proximité, La Réunion, voilà le levier d’un management public actualisé. Les avis s’entrechoquant, un point d’équilibre en résultera comme l’enseigne la doxa entrepreneuriale, même si la pratique montre que la confrontation parvient le plus souvent à éteindre les évocations.
Étouffements et enfumages
Ainsi étouffa-t-il la revalorisation des petites retraites, avant de noyer, un peu plus tard, les propositions de revalorisation des ressources des modestes. En 2022, il lança une grande initiative, inspirée du général de Gaulle au sortir de la guerre en proposant le Conseil National de la Refondation. Puis, vint le Conseil de Défense et de Sécurité, élargissant un dispositif technique préexistant pour donner l’impression qu’il prenait en mains les exigences vitales du pays dans un moment où l’Ukraine s’échinait à surmonter l’invasion russe. Suivit, pour couvrir son flanc droit, la chasse aux abayas comme marqueur de laïcité.
Tout cela continuera au long des années qui viennent, soyez-en sûrs, au rythme d’armes à répétition avec le puissant sentiment jupitéro-machiavélique d’enfumer les cons. Et, peu importe les impasses à gouverner le Sahel ou coacher le Liban. Quant à faire la leçon à Poutine… voyez ce qu’il en est devenu. Après tout, il faut savoir oublier ses échecs et se glorifier de ses demi-succès s’il en arrive.
Compter sur soi
Il y parvient en se focalisant exclusivement sur lui-même, pareil au voilier qui suit son cap en le calculant à partir de son aire. Comment se diriger d’une autre façon dans la nuit noire et éviter sur la route un iceberg titanesque qui vous précipiterait dans les profondeurs ?
Reste que l’enfumage n’enfume pas que les adversaires. Il touche simultanément tout le monde et l’émetteur serait alors obligé d’enfiler son masque respiratoire. Mais, voilà, la France a démontré qu’elle gérait particulièrement mal les stocks de masques, se croyant à l’abri avec une certitude toute en fausseté.
Alors, il n’est d’autre solution que de tâtonner encore avec la délicatesse des entraîneurs de patineuses. C’est la meilleure façon de reprendre confiance en soi.
Voir court
Pour y parvenir, il faut cependant strictement limiter son horizon au proche. Ne pas compter sur une vision stratégique qui ne parviendrait pas à relier l’ambition clamée et la réalité de l’agir. Dans pareille situation, il faut se cantonner au micro-management quoiqu’on se réclame d’une philosophie du long terme. Voir court, voilà l’unique chemin pour un Président qui n’a pas encore achevé le marathon dans lequel il se trouve engagé. Gardons-le en mémoire pour le cas où il nous appellerait à ses côtés.