
Il a fallu presque 200 ans pour construire Notre-dame… et seulement 15 heures pour la brûler en grande partie.
Je pense qu’il en est de même pour la démocratie. Chez nous, il a fallu plus d’un siècle pour la bâtir vraiment mais il faudrait très peu de temps pour la mettre à bas.
Hitler arriva au pouvoir le 30 janvier 1933, et le 27 février, soit seulement 29 jours plus tard, c’était l’incendie du Reichstag. Le 23 mars étaient votés les pleins pouvoirs.
Trump met à mal cette même démocratie en quelques semaines, sans aller (pour l’instant) jusqu’aux outrances nazies.
Chérissons-la donc, défendons-la, bec et ongles. Cela demande du courage et de la constance. Oser défendre notre démocratie TELLE QU’ELLE EST (ce qui n’empêche pas de vouloir l’améliorer), c’est la certitude de se heurter aux railleries, à l’ironie facile.
Beaucoup, et en premier lieu ceux qui, bien sûr, se proclament démocrates, n’ont de cesse de l’attaquer. Dans les conversations, il est de bon ton de la critiquer, de s’en moquer, de souligner chacun de ses travers, d’accentuer ses défauts. Or c’est l’affaiblir que de faire cela et c’est un luxe d’enfants gâtés. Untel ne vote plus et n’a plus confiance en elle depuis le référendum sur Maastricht. Un autre depuis la révolte des gilets jaunes ou le confinement. Un autre encore ne supporte pas le mode de scrutin, ni la cinquième république. Les lois sont trop ceci et pas assez cela. Ceux qui ne voulaient même pas être délégués de classe (ce qui est quand même au plus bas dans l’échelle des responsabilités) vous expliquent à quel point les représentants politiques, qu’ils ne supportent pas, ont la belle vie. Tous se réclament partisans de la liberté, et à ce titre, se trouvent en droit d’exiger ceci ou cela.*1
Si cela demeure légitime, ce n’en est pas moins puéril et vain.
La démocratie n’est pas parfaite ? La belle découverte ! Comment pourrait-elle l’être puisqu’elle est humaine. Oui, elle balbutie parfois, se trompe, se fourvoie. Oui, il faut sans cesse la construire, l’améliorer, l’amender.
Si tous ces beaux démocrates avaient la même intransigeance dans leur vie de couple, dans leur vie familiale ou professionnelle, cette vie deviendrait impossible. N’ont-ils aucune faille, aucune maladresse ? Pourquoi ne réclamer la perfection qu’à la démocratie?
Cette intransigeance est assez étrange pour des gens qui prétendent aimer la liberté.
J’ai remarqué, et peut-être n’est-ce pas si différent, la même intransigeance dans d’autres cas. Ainsi, si un végétarien prend un jour de la viande, il a droit immédiatement à une flopée de remontrances, alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de faire la moindre remarque à un amateur de viande s’il ne mange que de la salade et ensuite un gratin dauphinois. Si un écologiste monte dans une voiture diesel, les saillies abondent. Le possesseur du même énorme 4X4 diesel, en ville (où il est tout à fait ridicule, dangereux et inutile) n’a droit à aucune ironie, alors que lui se contrefout du bien être public.
Il en est également ainsi des non démocrates et des apprentis dictateurs (qu’ils s’agisse de leaders, de partis ou même de pays) qui bénéficient d’une clémence et d’une transigeance stupéfiantes.
Si un politicien est pris en flagrant délit de détournement de fonds publics, les réseaux s’agitent, les comptoirs se déchaînent. Mais s’il s’agit de Marine Le Pen, pour ne citer qu’elle, on crie à l’injustice, au complot.
Les mêmes qui manifestaient contre l’hégémonie et l’impérialisme américains, ne lèvent pas le petit doigt contre les manœuvres impérialistes chinoises, en Afrique ou en Asie, aucun “Chinese go home!”. La Chine étant évidemment un pays démocratique et désintéressé!
Partout dans le monde, de Londres à Sao Paulo, d’Alger à Ottawa, de Science-po à Harvard et Columbia on manifeste depuis 2 ans contre le régime fasciste et suprématiste de Benyamin Netanyahou et les bombardements à Gaza, qui doivent bien évidemment cesser.
Par contre, pas une université, un parti émus par la situation en Ukraine, où l’on bombarde sciemment des civils, des écoles, des hôpitaux, des barrages, des centrales. Les bilans, certes officeux, comme à Gaza, font état de 80,000 morts et de 400,000 blessés ukrainiens. Pas une ambassade russe encerclée, taguée, pas de pétitions d’intellectuels. Rien! Poutine, contrairement à Netanyahou, doit être un démocrate éclairé et humaniste. Il s’en trouvent même pour prendre la défense de l’Iran des mollahs!
Si “l’amour n’est pas aimé”, comme l’aurait dit Saint François d’Assise, la démocratie ne l’est pas davantage.
*1: Nous sommes devenus aussi difficiles sur la démocratie que sur la nourriture: pas de gluten, pas de viande, pas de graisse animale, pas de produits transformés, pas de sucre, pas de sel, pas d’épices, pas de laitages, pas d’alcool. En cas de crise majeure, combien de temps survivrions-nous? Et combien de temps si la démocratie était vraiment en danger. Sommes-nous prêts?
*2: Signalons d’ailleurs que ceux qui poussent la France et l’Europe à reconnaître la Palestine (ce qui doit être fait!), qui de fait n’existe pas encore, trouvent tout à fait légitime que l’Algérie et la Tunisie, par exemple, ainsi que 19 autres pays, ne reconnaissent toujours pas Israël qui existe pourtant depuis 77 ans !



