Le jour de la Sainte Ovaine, tombe du ciel un paquet flambant neuf.
Ovaine précipitamment le débolduque, en pèle le papier… et soudain palpite.
Une émissaire de la peur, vêtue de vert, exorbitée et torréfiée jusqu’aux dents, en sort.
Ovaine, terrorifiée à sa vue, la coffre in petto sous une cloche de verre.
– Oh, pitié, j’ai peur de mourir de peur, rassurez-moi, supplie la peur, la voix de ses yeux plus éraillée qu’un crissement de pneu.
Craignant un accident, Ovaine la décoffre de justesse – et toutes deux dinèrent d’un confit de poire aux chocottes, arrosé d’une gnôle d’espoir.
*
Cet apologue sur l’espoir, d’Ovaine la fameuse petite garce, nous tombe à pic en pleine poire. Il se dit mollement de par le monde que l’espoir fait vivre ; mais l’alcool de poire rend-il ivre ? Délicate question, bien loin de nous éloigner de notre sujet d’avenir, tout autant de fourvoyer dans la farce gratuite le lecteur aventuré jusqu’ici par noble désœuvrement ou titubante curiosité. Pour faire court, comme en un court-métrage, carambolons l’ivresse et l’espoir et suivons notre ruban argentique jusqu’à extinction de l’écran.
En effet, que l’espoir fasse vivre est d’un si fat truisme, voire d’une si blète évidence qu’il sied de les bouter hors de nos fronces verbales après avoir clairement rappelé que les milliards de soldats sacrifiés au nom de l’espoir des conquêtes méritent la médaille du désespoir. L’espoir ne fait pas vivre mais bien crever s’il ne s’arrose de quelque liqueur ou fine aux délicats effluves de poire. Tant qu’à guigner sa libération, sa reconnaissance ou sa survie autant que ce soit balloté par la douce houle de l’ivresse. Apollinaire ne nous déniera pas.
Mais alors pourquoi de la gnôle de poire ? Pour un calembour calamiteux ? Que nenni ! Il sied de sauver la poire, ce fruit au galbe si suave, à la souplesse juteuse, à l’éminent rebondi de sa panse soyeuse, au fin grenu de son cœur attendri, de l’ignominie dont elle est victime depuis le Moyen Âge. Ce à quoi nous nous attelons, dans l’espoir de trinquer à la victoire de notre combat. En ces temps renouvelés de tortures, enfoncer avec un ressort une masse piriforme dans la bouche du supplicié pour couper court à ses cris déplaisants ou empêcher le prisonnier de parler enfanta l’expression avaler des poires d’angoisses. Et si l’on vous traite de pauvre poire, n’est-ce que le battant de la cloche tout aussi piriforme a dû rendre fou Quasimodo ou que le contrepoids d’une balance romaine vous fait peser tout le poids des péchés de la terre ? Et cette poire de lavement destinée à pénétrer les intimités du corps, les asperge-t-elle d’un alcool de poire d’Alsace à 50 degrés ? Ah, ah ! Sans l’ivresse du péril parolier au zinc du quartier il n’est d’espoir digne de ce nom.
L’espoir est une carotte, cet autre végétal sacrifié à l’humiliation des plus humbles alors que – mais ce serait un autre chapitre de notre dérive végan et salutaire – sa sveltesse devrait ennoblir quiconque y croquerait, le hisser au faîte de sa dignité. Passons. L’espoir sobre, arrimé au mainstream des injonctions de profit, de massacre et de délation, fait crever à petit feu : servi sur des écrans de menaces, de massacres et de terreur il nourrit la pensée biblique et donc magique qu’un meilleur destin t’attend ici-bas blindé de bitcoins, comme au-delà blindé de vierges à violer. Il assure l’immortalité, la déification du moi imputrescible, lifté, selfié, résilient. Surtout pas résistant.
Alors que l’espoir en forme de poire, cédant à l’ivresse d’un ailleurs s’approchant de la succulence énergétique d’une utopie, avance l’esprit bardé d’insolence, de désobéissance et d’invention. Il parle au seul éden possible, au verger planté de poiriers face à l’alambic clandestin du gardien des songes réels puisqu’affranchis des ordres iniques et concentrationnaires.
C’est cette poire dont le cou si fébrilement se tord vers la lumière qu’on a tenté de pendre de la plus vilaine façon lexicale. Ce pourquoi il nous a fallu réhabiliter ce fruit des cogitations d’Ovaine, experte en apparitions de vérités secrètes sur l’écran des révélations.
Tristan Felix
11/11/2025



