Cet ouvrage figurera peut-être au rayon des manifestes célébrant la capacité de l’art à divertir et à inspirer. Il est constitué de la retranscription d’échanges oraux ou épistolaires inédits entre le peintre David Hockney et le critique d’art Martin Gayford. Sa publication en français résulte probablement du succès rencontré par le peintre lors de ses récentes expositions et de son emménagement en 2019 en Normandie. En effet, l’ex-icone de la communauté gay californienne, est l’auteur, entre autres, d’innombrables toiles inspirées par les piscines et les éphèbes locaux baignant dans une lumière qui a forgé son succès international. Après quelques allers et retours dans son Angleterre natale, il a succombé aux charmes du Pays d’Auge. En fait, c’est sa visite des tapisseries de Bayeux, œuvre culte de son panthéon personnel, qui a entrainé son installation au royaume des chaumières. Depuis, l’environnement local, ses couchers de soleil et autres changements de saisons, lui permettent de tenir à distance la folie du monde. Il en alimente sa palette et en nourrit l’essentiel de son travail, dont plusieurs expositions à succès témoignent.
Souvent considéré comme un artiste frivole porté par la mode, David Hockney révèle ici une immense culture picturale et une réflexion très sophistiquée sur les différentes formes d’expression plastique. En effet, au-delà de sa profonde connaissance et admiration des classiques – de Constable à Bacon, en passant par Van Gogh, Monet, Brueghel et quelques autres, maitres et compagnons de route – le peintre développe une analyse quasi-encyclopédique des sources, des techniques et des outils qui ont permis de faire évoluer la représentation de la nature et de ses habitants au fil des siècles. Il raconte ainsi sa découverte, à plus de 70 ans, de l’Ipad lancé par Apple en 2010, dont il a fait depuis son pinceau préféré. Il avait déjà exploité les ressources insoupçonnées des imprimantes et des caméras numériques, révélant là une jeunesse et une curiosité que nombre de ses contemporains ont fui.
Au-delà de la qualité du contenu des propos rapportés, l’ouvrage est un superbe objet, dont la typographie, la mise en page, l’iconographie et l’édition devraient ravir tous ceux qui aiment la lumière, la couleur, l’espace, la matière. Une humble leçon sur la façon de voir, mais aussi sur la façon de vivre.
David Hockney, Martin Gayford, Ed. Seuil, octobre 2021, 280 p., 29,90 €