
(épisode précédent) En 1999, on est clairement dans un dénigrement systématique des boys bands. Le plus étrange est que les médias qui les dénigrent étaient ceux qui les portaient aux nues deux ans plus tôt. Les médias de masse sont les amants les plus infidèles qui soient !
Le venin des médias
Les critiques font preuves d’une malhonnêteté intellectuelle assez extraordinaire. Le reproche le plus courant est que les membres de boys bands ne savent pas chanter. On met même en doute le fait que ce soit eux qui chantent sur les disques. Rétablissons les faits : tous les membres des 2Be3 chantent, idem pour Alliage et Worlds Apart. Dans G-Squad, seul Chris chante, il est vrai et c’est un sacré chanteur.
Comme l’a fait remarquer un des producteurs de l’époque, leurs chansons ne sont pas tellement moins bonnes que celles de Mireille Matthieu ou de Lara Fabian. En tout cas, ils chantent bien mieux, techniquement, que Renaud qui a fait une carrière de chanteur.
La vraie différence
Ce qui est vraiment différent avec les boys bands est la vie privée de l’artiste. Si je regarde la plupart des articles que j’ai écrit pour Rebelle(s), ils portent sur des gens qui boivent, fument et prennent des drogues. Les membres des boys bands étaient branchés nutrition et sport. C’est un autre monde, c’est clair. La malhonnêteté intellectuelle de certains journalistes fait qu’ils préfèrent ceux qui se démolissent. C’est tellement plus romantique et vendeur !
On a aussi reproché aux boys bands de n’avoir aucune revendication sociale ou critique sociétale. Tout à l’air d’aller bien dans leur monde. Et alors ? Les chansons « pour le bon temps » ne constituent-elles pas la majorité des chansons que les gens aiment ? A ce compte-là, il faudrait reprocher aux Beatles leurs chansons d’amour… Ça laisse rêveur.
Là où les rappeurs se complaisent dans leur ghetto et en font l’apologie, les boys bands, eux, font l’apologie de l’élévation sociale, possibilité d’élévation sociale qui est la raison même du fait que la France ne soit plus un royaume mais une république.
Des vies détruites ?
Un autre mensonge journalistique courant sur les boys bands est la destruction de vies sur l’autel de la célébrité. Il est certain que la célébrité n’a pas rendu la vie facile à Quentin et Steven d’Alliage ou à Filip de 2Be3. Et alors ? Qu’aurait été leur vie s’ils n’avaient même pas atteint la célébrité ? Aurait-elle été plus facile ? Rien n’est moins sûr. Quentin et Filip avaient en germe au fond d’eux un narcissisme qui leur a fait beaucoup de mal.
Et c’est sans compter avec tous ceux qui n’ont pas disjoncté, eux : Frank et Adel de 2Be3, Chris et Gérald de G-Squad, Roman et Brian d’Alliage.
Pascal Nègre, producteur de cette époque, a dit la chose suivante, qui résume assez bien la situation et piétine les délires journalistiques : « C’est comme le mythe d’Icare. Certains d’entre eux se sont approchés trop près du soleil, la cire qui faisait tenir leurs ailes a fondu et ils se sont noyés dans la mer… Oui, mais eux au moins ont vu le soleil. Combien d’entre nous aimeraient voir le soleil de près comme eux, ne serait-ce qu’une fois ? »
La nostalgie ne meurt jamais
Il y a eu une nostalgie des années 50, 60, 70 et 80. Se développe en ce moment une nostalgie des années 90 et donc des boys bands. Les gamines qui écoutaient les 2Be3 ont maintenant la quarantaine. Le souvenir qu’elles ont de ces années-là contient une part de magie et aucune ne renie cette partie de leur vie.
Certains membres des boys bands ont gardé une affection pour cette partie de leur vie également. Frank Delay des 2Be3, notamment, s’est dit qu’il serait sympa de faire revivre tout ça. Après quelques coups de fils et barbecues avec Chris Keller de G-Squad, décision est prise : ils vont créer un boys band et reprendre les meilleurs morceaux de l’époque sur scène. Plusieurs membres de boys bands sont contactés mais sans succès. Par contre, Allan Théo, surnommé « le boys band à lui tout seul », est partant. Ils vont tout trois écumer les scènes de France et de Navarre avec un réel succès :
Après des années de succès, en 2003, Allan Théo, qui veut faire sa propre musique, abandonne le groupe. Ça ne change rien pour Frank Delay Et Chris Keller :
Le Phare d’Alexandrie des boys band
L’histoire des 2Be3 est exemplaire dans le sens où il s’agit de potes d’enfance en banlieue qui ont gravi les échelons ensemble depuis le départ. Ils n’ont pas été recrutés par casting. Mais les membres des autres boys bands avaient également, pour une bonne part d’entre eux, des origines modestes. En filigrane, ils faisaient l’apologie des relations amoureuses et de l’élévation sociale là où les rappeurs ne faisaient l’apologie que de la vie dans le ghetto et avaient des revendications sociales, ce qui les rendait « respectables » aux yeux des journalistes. L’élévation sociale ou le ghetto… Peut-être ne peut-on faire l’apologie que de ce qui est réel pour nous, finalement… Au royaume des aveugles, les sourds sont rois.
Epilogue
Pour finir cette rétrospective sur les boys bands… Un clip attendrissant. Charly et Lulu, les Top Boys, sensibles aux relations amicales qu’ils entretiennent avec les membres des boys bands, vont vouloir célébrer la chose dans une chanson… Et certains membres de boys bands vont leur prêter main forte dans le clip. Pêle-mêle, on aperçoit Alliage, Wolds Apart et les Poetic Lovers. Par ce qu’il sous-entend dans les paroles, ce clip sera prophétique et constituera, pour finir, un bel hommage plein d’humour à cette époque des boys bands, le miroir d’une époque :



