
(Episode précédent) Une personne qui fait la route n’est pas toujours consciente de ce qu’elle recherche. Le besoin est viscéral mais pas forcément clair pour l’individu lui-même. Du moins, la première raison avancée pourrait bien ne pas être la vraie.
C’est parfaitement illustré par le début du film Paris, Texas. Un homme hagard marche dans un désert du Texas. Son trajet ne semble avoir aucune trajectoire précise. Il erre sans but. Cette région aride et la confusion mentale de l’homme sont magnifiquement soutenues par la guitare slide de Ry Cooder qui, avec une grande économie de notes, délivre un thème musical fascinant.
On apprendra au cours du film comment cet homme en est arrivé là mais il est frappant de constater qu’un individu, même perdu complètement pour lui-même, va continuer à marcher pour rester en vie. Parce que le mouvement, c’est la vie, surtout quand on a tout perdu.
Forrest Gump est profondément malheureux. Jenny, la femme de sa vie depuis l’enfance et avec qui il a enfin commencé une liaison la veille… Cette femme a disparu. Saisi d’un besoin viscéral de courir, petit à petit, il va le faire de son Alabama natal à Santa Monica en Californie. Puis il repart dans l’autre sens et courre jusqu’à l’océan atlantique… Puis retour vers Santa Monica. Pendant trois ans, Forrest ne va cesser de courir d’un océan à l’autre, ne s’arrêtant que pour dormir ou manger.
Ça finit par faire la une des journaux et tout le monde se demande quelle est la signification de cet acte. Il devient une sorte de gourou, plein de gens courent avec lui, persuadés qu’il sait ce qu’il fait, qu’il délivre un message.
Mais pour finir, Forrest dira clairement qu’il avait juste besoin de courir… Pour penser un peu moins à Jenny. On souffre moins quand on est en mouvement, quand on fait la route.
Charlie Babbitt croyait savoir pourquoi il faisait la route en voiture avec son frère autiste Raymond : pour réparer une injustice, injustice qu’il croyait avoir subie en apprenant que le testament de son père le dépossédait de tout au profit de son frère interné dans un hôpital, frère dont il ignorait auparavant l’existence.
Au début du film Rain Man, Charlie Babbitt est la parfaite représentation du sale con, égoïste, méprisant et méchant. En enlevant son frère, il espère faire pression pour que le testament soit revu. Mais certaines émotions et souvenirs de sa prime jeunesse lui reviennent progressivement à l’esprit et il finit par se rappeler de ce Raymond qu’il avait oublié et dont il a été séparé alors qu’il était encore jeune enfant. Raymond et celui qu’il appelait Rain Man… Le lien est fait et chacun va retrouver celui qui lui manquait tant.
Le film Crossroads raconte l’histoire d’un jeune blanc de New York, Eugène, qui est passionné de blues et spécialement de l’oeuvre de Robert Johnson (1911–1938). Ce dernier a enregistré 29 chansons. D’après la légende, il aurait composé une 30ème chanson qui n’a jamais été enregistrée… Dans le but de connaitre cette chanson, Eugène retrouve Willie Brown, un ami de Robert Johnson, et l’aide à s’enfuir de l’hôpital où il résidait.
Guère impressionné par la passion pour le blues d’Eugène, Willie Brown lui promet toutefois qu’il lui apprendra cette 30ème chanson de Robert Johnson si Eugène l’accompagne dans le Mississippi Delta pour apprendre ce qu’est le vrai blues.
Inutile de dire que le tandem fait forte impression, tant chez les blancs que chez les noirs et provoque l’incompréhension : un vieux noir et un jeune adolescent blanc. Après bien des péripéties, typiques de ce qu’on vit sur la route, ils s’approchent enfin du Delta.
Juste avant cette scène, la petite amie d’Eugène vient de le quitter.
Willie Brown parle de Robert Johnson : « Un homme sensé a dit une fois que le blues exprime ce qu’un homme gentil ressent parfois en pensant à la femme qui n’est plus avec lui. Beaucoup de villes, beaucoup de chansons, beaucoup de femmes, de bons moments, de mauvais moments, la seule chose que je veux que les gens disent c’est… Il savait vraiment jouer, il était bon. »
Sarah Connor n’a jamais eu à se demander pourquoi elle prenait la route car c’était pour elle le seul espoir de survie. La route était une évidence.
Le film Terminator 2 est particulièrement intriguant, et pas seulement pour ses effets spéciaux ou ses cascades. L’enfant, sa mère Sarah et le terminator joué par Arnold Schwarzenegger vont former une équipe soudée mais plutôt étrange. Le robot est totalement dévoué à la survie de l’enfant qui deviendra un grand leader humain dans le futur. Sarah l’observe attentivement et ne peut que se rendre à l’évidence : le terminator sera le parfait protecteur et père pour l’enfant, il n’aura aucun des défauts que peuvent avoir parfois les géniteurs. Il sera toujours là, toujours attentionné, toujours prêt à l’aider. N’est-ce pas ça, un père ?
On découvre qui les gens sont vraiment sur la route.
La prochaine fois : l’adversité sur la route et quelques chansons



