
Enfant juif né à Quimper en 1876 dans une famille voltairienne, Max Jacob est fasciné par les processions catholiques de sa Bretagne natale. Les oriflammes, les dentelles, les chasubles. Il fait les horoscopes de ses camarades, qu’il ne peut rejoindre à la cathédrale Saint-Corentin lors des offices. Par contre, il s’y rend pour apprendre à jouer de l’orgue.
En septembre 1909, alors qu’il est pauvre dans sa chambre à Montmartre, le poète est foudroyé par une crise mystique. « Je suis revenu de la Bibliothèque nationale, j’ai déposé ma serviette, cherché mes pantoufles. Et quand j’ai relevé la tête, il y avait quelqu’un sur le mur. Il y avait quelqu’un. Il y avait quelqu’un sur la tapisserie rouge. Ma chair est tombée par terre, j’ai été déshabillé par la foudre. Ô impérissable seconde. » Il se précipite voir un prêtre de la basilique qui reste sceptique devant cet hurluberlu exalté.
Il l’écrira plus tard à propos de cet épisode bouleversant dans sa vie de Bohème : Ma chambre est au fond d’une cour et derrière des boutiques. Le n° 7 de la rue Ravignan ! Tu resteras la chapelle de mon souvenir éternel !
Déjà mystique en recherche spirituelle incessante avant cette révélation, il devient alors « ivre de Dieu ». Enfin, six ans plus tard, il est baptisé. Il a 39 ans et son ami Picasso est son parrain.
En juin 1921, après avoir essentiellement habité Paris, Max Jacob est pour la première fois à Saint-Benoît-sur-Loire. Il lutte contre la tentation. Homosexuel, il aura toujours vécu ses désirs et sa frénésie sexuelle comme un péché. Marcel Jouhandeau nous rapporte une de ses discussions avec lui, du temps de Montmartre : « Max vivait une vie chrétienne menée de front avec une vie dissolue.
- Comment peux-tu concilier tout ça ?
- Le soir, je me livre à quelques ébats, mais le lendemain matin, je vais à Montmartre dès 5 heures du matin, je me frappe la poitrine, je pleure et à la fin, Dieu est dupe. »
Max aura analysé les lignes de la main de Picasso, au début de leur amitié commencée en 1901. Il prédit à son propos : « Du point de vue pratique, rudes débuts et changement de fortune avant 10 ou 15 ans. Mais réussite dans les arts, brillante… La vie sera apaisée vers la fin. On peut espérer la fortune… Remarque particulière – toutes les lignes semblent naître à la base de la ligne de chance. La base de la main est large, cassée, signe de sensualité mais aussi de franchise. La main en forme de flamme. » En 1944, alors que Max Jacob est encore libre avant son arrestation par la Gestapo, ses derniers portraits photographiques montrent les plis du front formant une fontaine jaillissant du haut du nez pour éclater en vagues de chaque côté au-dessus des sourcils.
Au codétenu qui lui disait « Il parait que c’était un grand poète », le docteur Weille qui signa à Drancy le permis d’inhumer de Max répondit de lui qu’il était bien un très grand poète mais qu’il était aussi et peut-être encore plus un très grand chrétien.
A son inhumation finale à Saint-Benoît-sur-Loire en 1949, tous les amis étaient là. Comme le composèrent André Salmon et Henri Sauguet :
Que demain à la basilique
Vaste d’heures et lourde des ans
Une grande messe en musique
Soit dite chez les paysans
Pour le bienheureux de la Loire
Convive du divin banquet
Dont tu préfigurais la gloire
A la table du bastroquet
Éric Desordre



