
Résumé des épisodes précédents. Worlds Apart : mi-1996. G-Squad : septembre 1996. 2Be3 : octobre 1996.
Création du producteur Gérard Louvin, Alliage se présente en décembre 1996 comme une alternative intéressante à Worlds Apart, G-Squad ou 2Be3. Et il est vrai qu’ils portent bien leur nom. Quatre origines : corse, espagnole, algérienne et anglaise. Quatre personnalités différentes aussi. Quentin, de loin le plus extraverti et le leader. Brian, le gars sympa et beau gosse à mourir. Steven Gunnell, le battant aux cheveux longs. Et Roman, le romantique, le plus jeune (16 ans) et le plus attirant par sa simplicité d’esprit et son capital sympathie.
Eux aussi recrutés sur casting, ils formeront pourtant assez vite une entité homogène, comme s’ils étaient potes depuis l’enfance comme les 2Be3. (Lire la vidéo à 48 mn 54)
Des états d’esprit différents, depuis le début
On a à faire dès le début à quatre attitudes différentes.
Brian était déjà mannequin. Etre admiré pour son corps et son beau minois est habituel pour lui. Il n’a donc pas la grosse tête et a inscrit dès le départ le mot fin sur l’aventure d’Alliage. Il a parfaitement conscience du fait que la gloire va être éphémère.
Roman a 16 ans, est toujours au lycée et se demande s’il n’est pas un peu trop jeune pour rentrer dans ce milieu du showbiz. En même temps, son humour, sa simplicité, sa bonne humeur et sa bonne nature lui donnent un détachement qui fait que lui non plus n’aura pas la grosse tête.
La présence sur le casting de Steven est une énigme… Plus fan de Led Zeppelin que d’eurodance, toujours prêt à se moquer des boys bands quelques jours avant d’être engagé, on se demande vraiment ce qu’il fabrique là. La vérité est très simple à comprendre : il cherchait un boulot, n’importe quel boulot depuis des mois. N’ayant pas le choix, il va prendre le job. Ça ne l’empêchera pas de mettre sa patte sur la prestation d’Alliage et d’en devenir un membre essentiel. Mais ses désillusions ultérieures sont poignantes. Il s’en confie à l’antenne à Mireille Dumas :
Le pivot central
Avec Quentin, on a à faire à quelqu’un de très différent de ses acolytes. Depuis toujours il veut réussir dans l’art et être célèbre. C’est le moteur du groupe et le leader, dans les faits. Il dirige l’évolution d’Alliage.
Très sympathique et craquant lui aussi, il a de grands rêves et s’y accroche. Ça le coupe parfois un peu des réalités. Un beau jour, il dit à son producteur, Daniel Moyne, qu’il vient d’acheter une voiture de sport. Le producteur, habitué à ses frasques, lui suggère gentiment de passer son permis de conduire. C’est normalement la première étape.
Quelques années plus tard, sur la fin d’Alliage en 1999, il va confier à Daniel Moyne que Alliage c’est fini pour lui. Il a désormais les capacités pour devenir aussi célèbre tout seul que Madonna ou Michael Jackson. On est alors en pleine déconfiture du phénomène boys band et Quentin croit qu’il va faire une carrière solo. Devant son irréalisme, Daniel Moyne ne dit rien. Quentin n’est pas facile à raisonner. Mais c’est ce côté fou-fou qui lui donne sa niaque et le rends si sympathique.
Une carrière courte mais bien remplie
Le premier succès, Baila, est un mélange d’eurodance et de musique latine. Alliage est en orbite :
Lucy fait craquer les adolescentes :
Pour l’instant, on est dans un registre eurodance totalement inoffensif au niveau des paroles. Avec Le Temps Qui Court, on passe dans un autre registre. Pour mémoire, la chanson (Could It Be Magic) est de Barry Manilow à l’origine. Elle a été grandement popularisée en version disco par Donna Summer mais c’est Alain Chamfort qui chante les paroles françaises. Celles-ci sont assez glaçantes de lucidité par instants. Elles décrivent les différentes étapes qui font vieillir un individu sur le plan intellectuel et affectif. Alliage passe dans une autre dimension avec ces paroles d’une grande maturité, bien loin des comptines eurodance :
En 1997, Alliage fait très fort musicalement en s’associant avec le boys band irlandais Boyzone. Leur reprise d’un vieux tube de la Tamla Motown des Spinners est tout simplement magistrale et les signatures vocales des deux groupes sont tout à fait savoureuses :
En 1998, avec Je Sais, le virage soul se confirme… En rajoutant un soupçon d’homo érotisme. On va vite comprendre pourquoi :
Pensées de stars
L’engouement que provoque le quatuor fait évidemment penser aux débuts des Beatles. Sentant une possibilité de promo, Gérard Louvin et Daniel Moyne, les producteurs, vont leur faire enregistrer un album aux studios Abbey Road de Londres, précisément là où les Beatles ont enregistré tous leurs albums. On atteint là le comble du ridicule car même si la musique d’Alliage ne manque pas de qualité, ils ne composent rien et on est bien loin du niveau des Fab Four. Mais en cette période des boys band, le fantasme semble toujours bien proche de la réalité.
Comme on l’a vu, Brian ne se fait aucune illusion sur la pérennité du groupe, Roman vit sa vie au jour le jour et Quentin à la tête dans les étoiles en permanence et à peu près jamais les pieds sur terre.
Steven a une étonnante pensée, plutôt lucide d’une certaine manière : « Je suis très croyant. Pour moi c’est donc Dieu qui m’a apporté cette célébrité. Mais je ne suis pas sûr que ce soit pour me faire un cadeau. C’est plutôt pour me tester. » Son avenir confirmera la chose.
La fin d’Alliage
La tête échaudée par tout ce succès et totalement inconscient qu’il est irrémédiablement lié à la chute du phénomène boys band, Quentin quitte le groupe et se lance dans une carrière solo. Ça ne marche pas en France pour la raison sus-citée. Alors il va à New York. Il devient fan de son propre corps, lui appliquant des séances de musculation qui le transforment littéralement. Il fait ensuite des films érotiques gays… Car oui, Quentin est l’autre homo des boys band (avec Gerald de G-Squad). Les membres d’un boys band devant être les amants parfaits aux yeux des adolescentes, ils ne peuvent évidemment pas avouer publiquement qu’ils sont homos.
Parfaitement conscients que le groupe n’a plus aucun sens sans Quentin, les trois autres jettent l’éponge.
Roman, dont le père est banquier, va très bien gérer sa reconversion. Il a été styliste pour une grande marque espagnole et s’occupe d’un magazine de mode.
Brian va redevenir mannequin et sera également comédien.
Steven va avoir quelques années très dures puis, grâce à sa foi, va se reconvertir dans la réalisation de films.
Quentin mourra d’une crise cardiaque en 2014 sans avoir jamais retrouvé la célébrité de ses débuts, célébrité si importante à ses yeux. De ce point de vue, son parcours et sa fin ressemblent à ceux de Filip Nikolic des 2Be3.
La première pensée de Steven quand il a appris la nouvelle : « il est mort de chagrin ».
La prochaine fois : les outsiders



