
Midi survient. Mon épouse me fait signe de venir dans la cuisine. Elle a préparé des poivrons farcis avec de la farce de porc. Nous allons pouvoir tous les deux continuer à nous envoyer des plaisanteries. Avec ma compagne, nous ne perdons pas de vue que la dérision générée par la complicité sont essentielles pour affronter ce monde d’enflés et de jobards. Rigoler nous permet d’entrer en résistance face à l’austérité du monde. Le rire est ce qu’il reste au peuple lorsqu’il n’a plus rien. Grimacer par l’exclamation d’une blague afin de cacher son désœuvrement face à une époque aussi noire que du charbon s’avère être tout un art.
Toutefois, ce n’est guère facile pour nous de jongler entre le rôle de l’Auguste et du clown blanc. « L’humour est la politesse du désespoir » disait Boris Vian dans son livre L’écume des jours. Nous marrer des autres, de nous, du monde, nous permet de mieux supporter notre siècle. Durant les soirées où avec ma chérie nous allumons la télé au salon, nous tombons constamment sur des reportages du journal télévisé montrant des chefs d’état abominables physiquement et pathétiques dans leur propos. « – A ceux qui ont livrés la terre aux monstrueuses parades, iront les miettes de la planète ! » dis-je à mon aimée en contemplant les débris de poivrons dans mon assiette. Les politiques ressemblent aux créatures de cirque du film Freaks de Tod Browning mais dans la vraie vie. Cela nous fait peur ma femme et moi. Cependant, la frayeur laisse rapidement la place au burlesque quand nous nous mettons à sculpter verbalement des bustes caricaturés à la Honoré Daumier des dirigeants censés assurer notre sécurité.
Invitant alors la satire à ripailler à nos côtés, nous nous délectons de notre repas commençant à déguster la farce après avoir mangé séparément le poivron.
Vive l’irrespect lorsqu’il nous permet ensemble, de voir les événements secouant notre globe, tels une comédie funeste ! Vive le second degré quand il se conjugue avec une farce de porc appétissante !



