En Belgique, il existe un organisme équivalent à la Miviludes française (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires) appelé le CIAOSN (Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles). En 2018, le CIAOSN avait été à l’origine d’une campagne médiatique visant les Témoins de Jéhovah, suite à un rapport et des recommandations remis par le CIAOSN à la Chambre de Représentants (députés) et au ministre de la Justice. Le rapport portait des accusations graves concernant le traitement interne de la pédophilie au sein des témoins de Jéhovah et le CIAOSN préconisait la création d’une enquête parlementaire sur le sujet.
Le CIAOSN avait utilisé les médias pour donner un large écho médiatique à leur rapport et leurs recommandations, et une enquête pénale était ouverte en 2019 pour faire la lumière sur les accusations graves portées par le CIAOSN à l’encontre de la Congrégation Chrétienne de Témoins de Jéhovah.
Des accusations fausses et un non-lieu
La presse s’en était donné à cœur joie, avec des titres comme : « Des abus sexuels au sein des Témoins de Jéhovah » (La Libre Belgique, La dernière Heure), ou « comment les Témoins de Jéhovah taisent les abus sexuels sur mineurs au sein de leur communauté » (Le Soir).
Après de nombreuses perquisitions chez les témoins de Jéhovah, l’enquête pénale entamée en 2019 révéla l’absence d’infractions, et le parquet fédéral requérait un non-lieu. La Chambre du Conseil l’a suivi et un non-lieu définitif fut prononcé le 5 octobre 2021.
La Congrégation avait saisi la justice belge pour voir reconnaitre la culpabilité du CIAOSN, estimant que celui-ci avait fauté en rédigeant et diffusant un rapport et des recommandations trompeurs à son encontre, discriminatoires, diffamatoires et calomnieux.
Le CIAOSN discrédité et condamné
Le tribunal lui a donné raison le 16 juin 2022, dans un jugement long et détaillé. Le jugement, en se basant sur les déclarations des parties, un rapport d’experts et tous les nombreux éléments soumis au juge par le CIAOSN, a conclu que :
« Un centre d’études qui se veut objectif et impartial ne peut raisonnablement fonder la plus grande partie de son appréciation sur des coupures de presse ou des reportages télévisuels. Une telle posture défendue par l’État belge fait l’impasse sur les vertus de la méthodologie scientifique et inverse les rôles. Un discours scientifique sérieux ne trouve pas sa source dans le discours médiatique dont la fonction est radicalement différente. »
En effet, le CIAOSN s’était défendu en prétendant s’être appuyé sur des articles de presse (principalement étrangers, car pour les articles belges, ils étaient en fait le produit même du rapport du CIAOSN), des témoignages anonymes (dont aucun n’était daté et surtout qui n’ont pu être corroborés par l’enquête pénale qui a conclu à l’absence d’infractions), et des informations de la FECRIS (Fédération Européenne des Centres de Recherches et d’Information sur les Sectes), dont les experts ont rappelé qu’elle était « une organisation qu’une commission américaine officielle a dénoncée pour avoir systématiquement diffusé de fausses informations sur des groupes qu’elle qualifie de “sectes”, en particulier Les Témoins de Jéhovah. »
Le rapport des experts, non contesté par le CIAOSN, a conclu que :
« Malheureusement, le rapport du CIAOSN ne peut être considéré comme objectif et impartial. Le fait qu’aucun représentant des Témoins de Jéhovah n’a été interrogé pendant la préparation du rapport, que les cas provenant de Reclaimed Voices[1] ont été pris pour argent comptant sans qu’on fasse le moindre effort pour savoir si ces faits s’étaient réellement produits ou s’ils avaient été correctement signalés, que des coupures de presse ainsi que des informations provenant d’organisations antisectes ont été largement utilisées en l’absence de tout esprit critique sont autant d’éléments qui indiquent que nous sommes bien en présence d’un parti pris. »
Le tribunal a condamné le CIAOSN à la publication du jugement sur la page d’accueil de son site pendant 6 mois. Vous le trouverez donc ici, en français : Jugement du 16 juin 2022, Témoins de Jéhovah versus CIAOSN
[1] Une fondation néerlandaise qui avait prétendu avoir reçu plus de 200 témoignages sur le sujet.