Si le Père Jacques Hamel nous regarde, j’ose penser qu’il ne cautionne pas la surenchère politique autour de son assassinat barbare. Depuis l’attentat de Nice, la rhétorique de guerre, la rhétorique de la terreur bat son plein. Daesh gagne quand Daesh terrorise. Mais pour que sa terreur atteigne chaque citoyen français dans son cœur, quels meilleurs relais que les medias et les politiques ? Déclarations qui se succèdent, terrorisme en boucle sur toutes les chaînes, tous les médias, diffusion continue de la terreur, déclarations qui se succèdent…
A Nice, on ne sait encore rien du profil du tueur fou au camion que les déclarations politiques s’enchaînent. Il s’agit d’un attentat Islamiste avant même de savoir si le tueur avait une fois dans sa vie prononcé le nom d’Allah. Il avait laissé pousser sa barbe huit jours auparavant, on en déduit qu’il existerait une sorte de « radicalisation à prise rapide », comme le ciment. Peut-être… Peut-être pas. Qu’importe qu’on s’aperçoive que le malade mental n’allait jamais à la mosquée, et était connu pour ses frasques à l’opposé de la religion musulmane, on donne à DAESH l’opportunité de revendiquer l’attentat, l’accompagnant dans sa toute puissance terrifiante, se faisant l’écho de sa réussite, le relais de sa terreur, comme un amplificateur d’ondes à échelle nationale, même internationale.
Un Guantanamo à la française
Le député Georges Fenech, qui a fait sa carrière en s’attaquant aux mouvements dits sectaires, sans grand succès, petit chef du surf politico-médiatique reconverti à la lutte anti Islam, ayant déjà déclaré que le port du voile (pas de la Burka) était un mécanisme d’endoctrinement sectaire, se délecte. Le voici en train de réclamer la démission du Ministre de l’intérieur (c’est de bonne guerre, direz-vous, mais contre qui ? Je croyais que la guerre était contre DAESH) et de lancer l’idée de créer un Guantanamo à la française, c’est à dire une prison haute sécurité dans laquelle on peut envoyer qui on veut, sans passer par le juge, sans attendre une quelconque condamnation. L’idée est tentante, si tant est qu’on pense que les services de renseignement sont capables de savoir qui devrait être enfermé sans aucun doute. Une sorte d’infaillibilité qui ferait pâlir le Pape d’envie. Une science divine. Priez pour ne pas être fichés S par erreur, pauvres pêcheurs. Les américains, il y a quinze ans, avaient eu la même brillante idée. Aujourd’hui le cauchemar de cette fausse bonne solution les a rattrapés, et ils ont un mal de chien à s’en défaire.
Puis voilà Munich. Mais là, pas de chance ni pour DAESH ni pour la classe politique française, le tueur était un converti au christianisme, plus proche de Breivik que de Coulibaly. Pourtant, on peut penser que DAESH a encore gagné, parce qu’il a fallu répéter et répéter que le jeune terroriste n’avait rien à voir avec DAESH pour que la vérité peine à s’établir. DAESH gagne encore, parce que même en son absence son nom reste sur toutes les lèvres, dans tous les esprits.
Puis l’égorgement de Saint-Etienne-du-Rouvray… C’est reparti. L’assassinat d’un prêtre, dit le Président, c’est une attaque contre les valeurs de la République. Phrase creuse. Pourquoi un prêtre plus qu’un enfant ? Bien sûr, je ne pense pas que François Hollande pense que l’assassinat d’un enfant soit moins horrible que celui d’un prêtre, mais il capitalise, il joue sur l’événement, il récupère. Comme les autres, de droite ou de gauche. Bayrou s’en prend à la mosquée de la commune, qui d’après lui est une mosquée salafiste abritant une communauté fanatisée. Sauf que cette mosquée n’est vraisemblablement ni salafiste ni fanatisée, et semblait entretenir de bonnes relations interreligieuses avec feu le Père Jacques Hamel. On va trop vite, à vouloir placer sa petite phrase, ou son tweet qui veut faire mouche.
De minables criminels ?
En fait, tout le monde s’y met. Certes, il peut sembler normal que les hommes politiques prennent publiquement la parole sur des sujets de société aussi graves. C’est peut-être ce qu’on attend (aussi) d’eux. Malheureusement, il me semble que le résultat de cette surenchère médiatique et de ces récupérations politiques est à l’opposé de ce dont nous avons besoin. Nous avons donné à DAESH ce qu’il attendait : la guerre, la terreur et l’amplification et la puissance nécessaires pour que cette organisation criminelle puisse continuer son œuvre dans les jours à venir.
DAESH a la partie facile. Ca pourrait être une armée de minables criminels, si on savait les dépeindre comme ils sont. Mais on leur donne la puissance, le pouvoir de manipuler des gens déjà détruits à distance. Et on touche ici à un véritable problème de santé publique. On sait depuis longtemps que les tueurs de masse sont bien souvent des copieurs d’autres tueurs de masse. Il se nourrissent dans les médias des crimes qu’ils vont reproduire, mieux ou moins bien. On sait aussi qu’ils sont toujours sous l’effet de drogues puissantes, et pratiquement toujours les victimes de traitements psychiatriques qui ont réduit à néant leur humanité. Vous en doutez ?
Détruits dans leur humanité par des traitements psychiatriques
Adel K., l’un des deux meurtriers du Père Hamel à Saint-Etienne du Rouvray, est suivi et « traité » en psychiatrie depuis ses 6 ans, plusieurs fois interné et obligatoirement soumis à une prise en charge psychologique depuis le 18 mars, suite à une décision de justice. Traitement médicamenteux pour « hyperactivité », avec des molécules dont on sait que l’un des effets secondaires est le passage à l’acte violent (molécules similaires au Captagon, la drogue du djihadiste que DAESH refile à tous ses petits soldats).
Le tueur de Munich, interné récemment dans un hôpital psychiatrique et toujours « traité » par des psychiatres pour « dépression » jusqu’à son acte final.
L’attaquant du bar d’Ansbach, qui s’est fait exploser en blessant 12 personnes, était « soigné » pour dépression et a été interné deux mois dans une clinique psychiatrique l’an dernier.
Le tueur de Nice : passage par les mains de psychiatres qui lui ont prescrit en 2004 du Haldol, un antipsychotique, et de l’Elavil, un Antidépresseur. Effets secondaires officiels de ce dernier : « levée de l’inhibition psychomotrice, avec risque suicidaire ; inversion de l’humeur avec apparition d’épisodes maniaques ; réactivation d’un délire chez les sujets psychotiques. » Quand au Haldol, il est établi qu’il a déjà été à l’origine d’actes meurtriers d’une rare violence chez des « patients » qui n’avaient jamais eu d’accès de violence meurtrière auparavant.
Ils ne sont malheureusement que les derniers d’une liste interminable. Les précédents s’appelaient Andreas Lubitz, le pilote tueur de la Germanwings qui a sciemment écrasé son avion dans les Alpes (150 morts), Behring Breivik, le tireur islamophobe d’Oslo (77 morts), Omar Mateen, le tueur d’Orlando (49 morts), etc.
La création de la terreur
C’est ainsi un triste constat de voir que cette destruction d’humanité par ceux qui devraient être les médecins de l’âme, se révèle être la meilleure arme de DAESH. Ces personnes décervelées par la psychiatrie sont des bombes humaines, qui attendent qu’un détonateur (DAESH ou un autre) les déclenche, et toute politique de santé publique qui ne prend pas cela en compte échoue à isoler les causes du mal qui rongent notre société, les causes du terrorisme, ou tout au moins ses moyens.
Ainsi dans une ronde sans fin, DAESH, les Médias, les politiques et avant eux la psychiatrie, illustrent la dernière phrase de Frank Underwood dans la saison 4 de la série House of Cards : « On ne se soumet pas à la terreur, on crée la terreur ». Certains sciemment, comme Underwood.
Par Michaël Sens