J’en ai vraiment ras de bol ! À chaque fois que REBELLE[s] me sollicite, c’est pour aller interviewer Casimir. Il faut vraiment avoir besoin de croûter pour se taper son glougiboulga ! En même temps, je n’ai qu’à traverser la rue pour ce boulot. Casimir déjeune tous les jours en face de chez moi. J’ai dû faire le tour du bistrot avant de le reconnaître. Dans son nouveau costume tendance, son pantalon slim et sa veste cintrée bleu marine avec une chemise blanche et une cravate mauve, il était méconnaissable. En plus, il est devenu totalement bodybuildé ! Nous échangeons nos salutations. Casimir est pressé. Il me propose d’entrer dans le vif du sujet. Je lui demande quand même s’il n’est pas trop affecté par le départ de François. Il me répond que « non, qu’il a trouvé du boulot vite fait, après son départ, dans le consulting musical, et qu’il a coupé les ponts ». Je lui réponds que je parlais de François de l’Ile-Aux-Enfants. Il s’excuse, il a confondu avec François Hollande, dont il a été l’éminence grise. Il me précise que c’est normal parce que « l’autre François, il ne le voyait plus depuis longtemps… ». Il n’était pas « bankable ». Après ces échanges d’amabilités, nous finissons par parler de l’évolution du rock. Il m’affirme tout de go, que l’évolution du rock que la vraie et unique rébellion du rock sera « …extrémiste et réactionnaire, à la limite facho, voire mystique… bref, un peu comme la société, quoi ? ».
« Tu comprends, dit-il, je suis un vieux de la vieille. Je suis un dinosaure, un vrai rescapé. J’en ai entendu et vu des choses depuis la création du monde. J’ai vu naître le fascisme comme le rock, et bien d’autres trucs. Les mecs, ils défilaient en costard Hugo Boss, en chantant que le diable les attendait en riant. ils avaient tout compris. ils étaient modernistes, ils adoraient tout ce qui était moderne, tout ce qui était progrès. ils avaient compris que tous ces nouveaux trucs permettaient de mieux contrôler les individus. ils avaient tous lu Le Bon, Berneys ou Sorel. Ces gars, ils manipulaient une foule comme pas deux ! ». Quel rapport avec l’évolution du rock ? « Ces mecs, ils étaient à la pointe. Pourquoi tu crois que des Von Braun sont partis après la guerre à la nASA ? ils avaient pigé que plus la subjectivité est sollicitée, plus l’effet est anonyme et vide. Tu n’as pas remarqué que toute leur propagande s’adresse déjà à l’individu ? Suis-nous et tu seras logé, blanchi et nourri. Tu n’auras plus de soucis. ne trouves-tu pas une parenté entre les grands concerts wagnériens des nazis et les ceux de Heavy Métal d’aujourd’hui ? Les grandes messes de Nuremberg n’ont-elles pas un côté Woodstock ? J’ai vu ces gars se lancer à fond dans les trucs technologiques modernes genre la radio, le cinéma, les disques, etc. D’ailleurs, les cocos, à l’époque, n’étaient pas à la traîne, eux aussi. ».
Je ne vois toujours pas où Casimir veut en venir.
« Tu ne vois pas ? Je poursuis. Tu es quand même au courant de l’issue de la Seconde Guerre Mondiale. Tous ces mecs, ils ont été recasés. Le modernisme et les babyboomers les attendaient. Le Capitalisme aussi. Toute cette jeunesse hormonée qui arrivait. il fallait lui trouver un dérivatif ou un truc dans le genre. Au début, ils ont nagé un peu les capitalistes, mais il ne faut jamais désespérer de la jeunesse qui veut le monde et tout de suite. Les moyens technologiques de diffusion s’offraient à tous ces enfants de la Guerre : la radio, la télé, le cinéma, le disque puis la cassette, le CD, le MP3, puis internet, etc …. . Le rock pouvait naître. il est né en 1954, à la sortie de la Messe, via Elvis Presley, Little Richard, Chuck Berry, et d’autres. Pas spécialement des socialistes, les mecs. Plutôt de bons réacs ! Regarde l’évolution d’Elvis. il est parti faire son service militaire, il a proposé son soutien à la CiA lors d’un rendez-vous avec Nixon ! ils avaient tout piqué à la musique black. C’était juste plus vendeur. C’est là qu’intervient le capitalisme mec ! Le rock a été récupéré par le capitalisme qui a compris tout l’intérêt de se développer sur un nouveau marché qui était énorme, celui des jeunes, des teenagers. Même dans le bloc coco, les jeunes voulaient du rock ! Le rock a été un des rouleaux compresseurs culturels américains pour conquérir le monde. »
Tout cela avait bien changé pourtant, notamment avec les sixties !
« LoL, MDR, mec ! Le Summer of Love et les spiritualités alternatives n’ont rien changé du tout. Tu crois que les gourous voulaient être pauvres ? Et tous ces mecs qui vantaient le LSD, jusqu’à Harvard ? Le LSD a été développé par les nazis ! Ils y voyaient un moyen de permettre à leurs soldats de développer leurs capacités et de moins dormir ! La sexualité libre ? MDR. C’était un autre moyen de contrôler les meufs. En plus, ce n’était pas trop mon truc la sexualité libre. Je n’ai pas de sexe. Pour moi, être dans une partouze ou une boîte à sardines, c’est pareil ! Les sixties c’est le début du monde actuel ! nous sommes dans l’ère du vide et nous le devons aux sixties, à leurs slogans « jouir sans entraves » et « vivre librement » que le capitalisme complice a traduit par « consommer librement et totalement ». il n’y a plus aucune permanence, celui qui stagne est condamné à mourir. Peu à peu, le neuf et le jeune sont amenés à devenir les valeurs essentielles sur lesquelles se fonde la société. Jim Morrisson chantait avec les Doors « We want the World, now ». Cela colle parfaitement avec le Macronisme ? Une dictature postmoderne « jeuniste » dans laquelle rien ne dure ? ».
Oui, mais le Punk a tout changé, non ?
« Tu es vraiment naïf. Cela n’a été qu’un feu de paille. Tout le tapage autour des Sex Pistols a été un super coup de pub. Tous ces Sex Pistols, Clash, U2, etc … , ne rêvaient que de signer chez des Majors. Aujourd’hui, Johnny Lydon, ex-Rotten, pèse au moins 200 millions de dollars et a investi dans l’immobilier, des produits cosmétiques, des restaurants, la mode, dans une marque de vodka, etc … Donc, tu vois, il n’y a aucune rébellion chez tous ces groupes, même si des groupes new wave comme Heaven 17 ont « (We Don’t Need This) Fascist Groove ». En fait, le rock est très conservateur. ».
J’étais décidé à renverser la table. Pour moi le rock était progressiste. Il avait contribué à faire avancer le monde. Casimir s’esclaffa longuement avant de me répondre.
« on ne l’a fait pas à un vieux dinosaure comme moi. Le rock n’a jamais été un ascenseur social ou multiculturaliste, à de très rares exceptions. on ne se mélange pas que ce soit dans un groupe ou dans le public. De même, le rock est très machiste. Très peu de femmes ont percé dans le rock. ne parlons pas du Charity Business. Cite-moi un seul progrès dû au rock ? ».
Je n’en trouve aucun.
« Regarde aujourd’hui, des groupes comme KiSS chantent pour soutenir les troupes US en Irak, Ted Nugent soutient Trump, la National Rifle Association, la chasse et plein d’autres trucs réacs. Carla Bruni a fait découvrir les Clash à nicolas Sarkozy, etc. Faire du rock n’est plus un acte de rébellion aujourd’hui, s’il l’a été un jour ! ».
J’étais totalement désemparé par les propos de Casimir. N’y aurait-il pas une lueur d’espoir ou un peu de rébellion quand même ?
« Selon moi, la véritable rébellion du rock sera « extrêmiste et réactionnaire, à la limite facho, voire mystique ». Honni par la pensée unique de la branchitude et pour cette raison, le rock chrétien est peut-être rebelle ? La branchitude est aujourd’hui le système. Les groupes de rock chrétiens affichent leur foi et se fichent totalement du reste. Le mysticisme chrétien est peut-être une solution, surtout qu’en plus l’Église s’est toujours méfiée des mystiques. Restent le rock identitaire des fachos et le Punk Hard Core qui semblent vraiment rebelles à mes yeux. ils répondent à un besoin de retrouver du sens à ce monde postmoderne. ils sont hors du système qui se méfie d’eux. »
Bertrand Pavlik