
Scène vécue : Il est environ 11h45. Je suis à la poste pour retirer une lettre recommandée. Il y a environ dix personnes devant moi. Au guichet, trois employés s’activent pour servir tout le monde, mais, bien évidemment, il faut attendre. Derrière moi deux hommes fulminent. Les remarques fusent : « Regarde-moi ces branleurs ! Pas foutus de faire leur boulot rapidement. Je te virerais tous ces fonctionnaires vite fait et ils verraient. Dans le privé, ils ne tiendraient pas une journée ! ». Peu téméraire, je m’abstiens de leur faire remarquer que la Poste ne fait plus partie du service public. Pourtant, les employés font leur travail et l’attente, environ dix minutes est tout à fait tolérable, vue l’heure de pointe. Mais les fâcheux rivalisent de critiques.
Une fois servi, je me rends au fast-food d’à côté. Ce n’est pas mon habitude mais j’ai un emploi du temps serré. Il est presque midi, le « restaurant » est bondé. Je me mets docilement dans une file. Derrière moi arrivent les deux justiciers du service public. Nous attendons une bonne dizaine de minutes mais aucun des deux ne trouve cette attente intolérable. Il est vrai que l’attente privée est beaucoup plus supportable que l’attente publique. Un peu espiègle je dis haut et fort : « Regardez-moi ces branleurs ! Pas foutus de faire leur boulot rapidement. Á la Poste, ils ne tiendraient pas une journée ! » Certains autour de moi s’esclaffent, mais curieusement, pas les deux justiciers.
Il est des petits plaisirs qu’il ne faut pas se refuser. Ça n’instruit pas les cons mais ça soulage.
Je lisais, l’autre jour, le classement des établissements scolaires. C’est toujours hautement informatif. Ainsi donc, l’externat Sœur Bernadette de la Sainte Louche arrive en tête, avec d’excellents résultats. Voilà qui ne laisse pas de me surprendre. En effet, l’externat en question est situé dans un coin très défavorisé du 16ème arrondissement, et entouré d’immeubles affreusement Haussmanniens. De plus, l’établissement est tellement démuni qu’il se voit contraint de demander à l’état de payer ses professeurs, et que les parents doivent verser une contribution de 800 euros mensuels. Ne pouvant, bien évidemment, pas accueillir tout le monde, l’externat se voit obligé, la mort dans l’âme, de ne pas accepter les élèves qui ont moins de 16 de moyenne générale. De forts difficiles conditions d’enseignement qui ne l’ont pas empêché de rafler la mise, si vous pardonnez cette expression quelque peu triviale. Comme quoi l’adversité a parfois du bon !



