(Article précédent) On est fin 1998 et les 2Be3 s’apprêtent à faire un concert géant à Bercy. Ce concert, ils le rempliront mais d’une manière inhabituelle par rapport à ce qui se passait avant dans leur carrière.
Tout d’abord, les places ne vont pas se vendre en 24/48 heures comme d’habitude. Ça prendra plus de temps. La presse spécialisée n’est pas spécialement intéressée, visiblement. Il y a moins de « reach out », de volonté d’atteinte.
Que se passe-t-il ?
Il faut dire que le phénomène boys band commence à s’essouffler. Après deux années intenses de programmation continue en TV et radio, après tout ce déluge en presse ado, le public marque le pas. Même s’il y a eu entre temps des choses intéressantes dans le phénomène boys band, comme l’arrivée du groupe Alliage, cette profusion de programmation, cette omniprésence, commence à lasser. D’autant plus que des producteurs peu scrupuleux ont profité de la vague pour placer des groupes absolument lamentables.
En fait, on est dans le même phénomène qu’à la fin du disco. Après le raz de marée du film Saturday Night Fever, tous les rats du show biz se sont rués sur ce genre musical et ont produits de très, très mauvaises choses.
Par conséquent, une partie non négligeable du public en a marre des boys bands, assimilant à tort la médiocrité de certains à la bonne volonté de la majorité. Tête de proue du mouvement, les 2Be3 sont les premiers à en ressentir les effets, pour l’instant discrets.
L’après Bercy
Les trois amis ne s’y trompent pas : il est temps de changer et de passer à la vitesse supérieure. Alors ils décident, courageusement, de mettre leur carrière en pause en France. Je dis courageusement parce que ceux qui n’auraient été motivés que par l’argent auraient continué jusqu’au bout, tant que fonctionnait la planche à billets.
Au lieu de ça, en 1999, ils vont aux USA, commencent à travailler avec le producteur Desmond Child, travaillent dur pour améliorer leurs capacités vocales et bossent avec le gratin des musiciens de studio pour faire un album.
Frank Delay : « c’est comme si tout ce qu’on avait fait avant n’avait servi qu’à nous préparer pour faire cet album. Avec lui, on s’est vraiment découvert artistes. »
L’album Excuse My French
En 2001, sort l’album Excuse My French. Il est vraiment bluffant. On est clairement dans la classe américaine, musicalement. Leurs aptitudes vocales ont fait un bond et ils chantent en anglais. Frank et Adel ne se contentent plus de doubler à l’unisson la voix de Filip. Désormais ils font des harmonies de toute beauté. Filip fait montre d’aptitudes vocales de pro. Le tout est d’une grande qualité et les singles ne sont pas en reste, tout d’abord le titre éponyme :
Even If est craquant, certainement leur plus belle ballade :
Ils nous gratifient même d’une version acoustique de Excuse My French (lire la vidéo à partir de 8 mn 55) :
Comme on peut le voir, ils déchainent toujours l’enthousiasme. Par leur gentillesse, leur simplicité, leur charme et tout un tas d’autres choses qui n’appartiennent qu’à eux. Mais cet enthousiasme se nourrit de la nostalgie pour une époque révolue. On est en 2001 et l’ère des boys bands est terminée. L’album ne ressemble pas aux autres albums des 2Be3 et donc, ils perdent leur public. Et ce disque, bien que de grande qualité, ne trouvera jamais son public à lui. Ayant été le plus grand des boys bands, 2Be3 ne peut que disparaitre dans le même temps que l’époque dont ils ont été comme le Phare d’Alexandrie.
La disparition
Les seuls concerts et émissions qu’on leur propose désormais auraient même été indignes de leurs débuts. Filip n’est pas d’accord pour tomber aussi bas et jouer les has been qui s’accrochent. De plus, il est engagé comme acteur stable dans la série Navarro et n’a plus beaucoup de temps pour parcourir la France.
Les trois compères regardent enfin l’évidence : leur groupe est fini, le rêve est fini et il vaut mieux jeter l’éponge, arrêter et suivre des voix différentes.
Chacun des trois vivra très mal la chose. Même Filip, qui a réussi à se placer dans la TV, est insatisfait : c’est un jeu trop petit pour lui et il n’arrive pas à percer dans le cinéma. De l’aveu de tous ceux qui l’ont côtoyé, il était à fond, tout le temps. Il avait besoin en permanence de beaucoup d’admiration et ce n’est pas ce personnage de série TV qui allait lui donner celle qu’il avait avec les 2Be3. Son côté excessif le poussera à utiliser les somnifères, calmants et tonifiants d’une manière extrême : au lieu de prendre la dose prescrite, il prend une poignée. Il décèdera ainsi d’une overdose médicamenteuse en 2009 et sa disparition sonnera le glas définitif de l’époque des boys band. Une foule nombreuse assistera à ses obsèques et saluera par des applaudissements la star en partance pour sa dernière demeure.
Adel va beaucoup déprimer, tomber dans l’alcool et les drogues, perdre son temps pendant trois ans… Puis, un jour, il aura le dialogue suivant avec sa mère :
- En as-tu bien profité mon fils, as-tu été heureux ?
- Oui, complètement
- Alors tu devrais être content et reconnaissant à la vie pour ce que tu as vécu. Maintenant, il faut tourner la page et passer à autre chose.
Ce qu’il fera. Il est désormais dans la conciergerie haut de gamme et la location de jets privés. Il est heureux en famille. Ils s’appellent régulièrement avec Frank, l’autre 2Be3 survivant. Il n’a plus aucune envie de parler des 2Be3. Pour lui, ça revient à parler d’une vie antérieure, une vie qui ne le concerne plus.
Frank va un peu déprimer également. Mais sa pratique des arts martiaux lui a donné une forme de sagesse : « J’ai vécu en 5 ans ce que la plupart des gens ne vivent pas en toute une vie. Pour moi, les 2Be3, c’est que du positif. » Puis il va se réinventer en comédien et acteur de manière réussie. Mais sa plus grande réussite post 2be3… On en parlera dans un prochain article. Je dirais juste qu’il est le seul 2Be3 à avoir survécu et être resté un artiste.
Un hommage tardif et inattendu
Lors du festival de Cannes 2025, Amélie Bonnin présente un film qui s’appelle Partir Un Jour. Sans avoir aucun rapport avec l’histoire des 2Be3, il repose en partie sur la nostalgie de l’époque des boys bands. Juliette Armanet, actrice principale du film, donnera à l’occasion du festival une version particulièrement touchante du Partir Un Jour des 2Be3, une version qui mettra en valeur les paroles et permettra de s’apercevoir que c’était une très, très bonne chanson :
La prochaine fois : Alliage




