
Le cinéma est l’un des arts les plus jeunes, sinon le plus jeune. Pourtant, étonnant paradoxe, il vieillit vite, vraiment très vite, aux yeux de beaucoup.
En effet, il ne viendrait absolument à personne l’idée de dire je vais voir une exposition de vieille peinture en parlant de Van Gogh ou De Véronèse, ou bien j’écoute de la vieille musique en parlant de Mozart ou même des Beatles. Mais presque tous disent un « vieux film » en parlant de John Ford, Kurosawa ou même d’un film des années 60 ou 70. Pourtant, s’il est une chose certaine, c’est que Mozart et Van Gogh sont nés, et morts, avant 1960 ! Beaucoup écoutent Joe Dassin, Aznavour, les Doors, Marvin Gaye mais rechignent à voir « Sunset Boulevard » ou « M le maudit ».
Le cinéma a donc, de façon assez inexplicable, une vieille jeunesse. Et dans un monde où le jeunisme fait des ravages, l’adjectif « vieux » devient un handicap. Beaucoup n’essaieront même pas de voir un film s’il est « vieux ».
De la même manière, les mêmes se fichent de savoir si la musique qu’ils écoutent est en 16, 32 ou 100 pistes (ou bien 4 et 5 comme c’est souvent le cas maintenant), si elle a été remastérisée, digitalisée. Beaucoup écoute une qualité MP3 qui est, pour un amateur de son, littéralement de la merde, excusez l’expression. Bref, tout le monde se fiche de la technique et beaucoup de la qualité. Par contre ils parlent d’un film en noir et blanc, en 4/3 (ce qui est là encore un handicap pour beaucoup) et soudain, quand il s’agit du cinéma, la technique compte !
Poursuivons. Personne n’aurait non plus envie d’écouter son groupe préféré, que ce soit du rap US, du rock anglais ou de la K-pop en version française ! L’argument du « j’aime comprendre ce que j’écoute » n’en est pas un pour beaucoup, qui seraient d’ailleurs très étonnés, voire consternés, s’ils comprenaient. Toujours est-il qu’écouter des paroles qu’ils ne comprennent pas ne gâche en rien leur plaisir. Sauf au cinéma, où les mêmes ne supportent pas les voix originales des acteurs et la musique d’une autre langue, alors que lesdites paroles sont traduites !
Continuons notre parallèle. Quand il s’agit de musique, beaucoup, et surtout les jeunes (40 ans d’enseignement, je sais de quoi je parle!), sont curieux et recherchent des raretés, y prennent un grand plaisir. Ils ont leur jardin secret, ce groupe, cette chanteuse que peu connaissent et qu’ils chérissent ou qu’ils adulent. Ils pestent d’ailleurs que leur génie ne soit pas reconnu et vivent leur passion comme un culte. Ils appartiennent à une secte secrète et vouent aux gémonies les adorateurs de la musique « commerciale ». Tout ce qui est grand public les hérisse. Quand on leur objecte que lesdits groupes passent dans des petites salles, avec des sonos modestes sans jeux de lumière, ils répliquent que l’argent investi dans une tournée, la grandeur de la salle, les effets de lumière n’ont aucune importance. C’est la qualité de la musique qui prime. Plutôt écouter de la musique confidentielle qu’une daube survendue !
Mais, quand les mêmes vont au cinéma, finie la curiosité ! Ils se précipitent sur les daubes/blockbusters survendus, commerciaux que tout le monde va voir. Ils mesurent alors la qualité probable du film à l’aune de l’argent investi, au confort des salles, aux effets spéciaux, et se foutent comme d’une guigne de savoir que 100 millions de dollars ont été investis dans lesdits effets mais seulement dix centimes dans le scénario.
Deux poids, deux mesures !
Si l’on rajoute que la plupart se détournent totalement des films et préfèrent les séries, on peut vraiment s’inquiéter de l’avenir du cinéma !
Enfin, pour les cinéphiles dont je suis, il nous restera toujours les vieux films !



