Avec Thriller, pour la première fois dans l’Histoire de la musique, les vidéos vont faire partie intégrante de la promotion de l’album et de ses singles.
Il y a toujours eu des vidéos illustrant les singles d’un musicien mais leur réalisation, auparavant, ne tenait vraiment pas du génie. Il s’agissait plus ou moins “d’illustrer” le groupe jouant le morceau. Avec Michael Jackson, la vidéo musicale devient une forme d’art en soi, toute aussi méritoire que la musique elle-même.
L’industrie musicale de l’époque
En ce début des années 80, la principale chaîne de vidéoclips est MTV. Ses patrons n’ont jamais dit qu’ils ne diffusaient pas d’artistes noirs, ils ont dit qu’ils ne diffusaient que du rock. Vous voyez la subtilité ? Maintenir une ségrégation artistique sous couvert de cloisonnement des genres musicaux. Une belle hypocrisie !
Pour obtenir qu’un clip de Michael Jackson soit programmé par MTV, la compagnie discographique de l’artiste, CBS, devra menacer la chaîne de lui retirer l’autorisation d’utiliser tous les clips de ses artistes. Finalement, MTV cède et, outre Michael Jackson, beaucoup d’artistes noirs trouveront désormais un débouché sur MTV.
Billie Jean
Une très belle vidéo, à l’esthétique originale pour l’époque mais démesurément copiée depuis. Un paparazzi fait la filature de l’artiste. Michael y démontre quelques plans de danse qui deviendront des classiques. Contrairement aux prévisions stupides des patrons de MTV, la vidéo a un succès foudroyant auprès de ses auditeurs et ils sont obligés de la programmer souvent.
Lors du 25ème anniversaire de la Motown, l’interprétation de Michael enthousiasme le public. Outre le fait qu’il s’y démontre un danseur et un showman d’exception, il y exécute pour la première son moonwalk, glissement de la marche vers l’arrière qui donne l’impression que le film est projeté en sens inverse (à 3 mn 38). Cette prestation lui vaut un télégramme de Fred Astaire : « Je suis un vieil homme, j’attendais la relève. Merci. ».
Beat It
Une chanson sur les guerres de gangs et le machisme qu’elles contiennent. Les participants au clip ne sont pas seulement de grands danseurs, ils sont aussi de très bons acteurs : on peut dire qu’ils interprètent leurs rôles de “durs” à la perfection. La chorégraphie finale qui réunit, outre Michael, tous les participants est un modèle du genre. Encore plus fort que Billie Jean !
Thriller
Alors là, on touche au sublime ! Inspirée des films d’horreur, une bonne moitié de la vidéo est chorégraphique et là, le talent de Michael, de ses chorégraphes et de ses danseurs explose littéralement.
Même quand on connait par coeur la vidéo et même si on n’est pas spécialement ignorant de ce qu’est la danse, il est très difficile de repérer et de mémoriser tous les pas de danse car ils se renouvellent constamment.
Disons que la première moitié de la chorégraphie, celle où Michael est maquillé en zombie, est relativement simple à comprendre et exécutable par à peu près tout le monde. Elle fera d’ailleurs le bonheur des soirées dansantes de l’époque. La seconde moitié, celle où il n’est plus maquillé, est d’une grande complexité et uniquement exécutable par de grands danseurs. Elle est de surcroit difficile à mémoriser tant elle se renouvelle constamment.
En 2009, la Bibliothèque du Congrès des Etats Unis, la bibliothèque nationale, a déclaré cette vidéo “la plus célèbre vidéo musicale de tous les temps” et l’a inscrit au patrimoine du National Film Registry pour conservation éternelle.
Le film 30 ans sinon rien (2004) montre à merveille comment une soirée mal partie, où personne ne danse ou s’amuse, peut être transfigurée par la partie la plus simple de la chorégraphie de Thriller, qui était quasiment inévitable dans les soirées de l’époque.
Le seul point noir
La famille Jackson faisait partie depuis toujours de la congrégation des Témoins de Jehovah. Ceux-ci vont très mal prendre le côté “démoniaque” du clip et feront pression sur Michael pour empêcher sa diffusion. Pris entre deux feux, tiraillé entre la foi familiale et ses désirs de liberté artistique, Michael fera insérer une note au début du clip comme quoi il ne soutient aucunement l’occultisme ou le satanisme. Mais le torchon brûle entre les Témoins de Jehovah et Michael. Il s’éloignera complètement du mouvement et il le fera avec une pudeur rare. A aucun moment de sa vie, il ne critiquera ou reniera ce qui avait été sa foi. Ce n’était plus la sienne, c’est tout.
Une spirale ascendante irrésistible
Les trois vidéos propulsent les ventes de l’album Thriller et, plus il se vend, plus ces vidéos sont regardées. Ceci ajouté au fait que sept singles sont extraits de l’album et qu’ils cartonnent tous… Thriller est une réussite artistique et commerciale sans précédents.
La prochaine fois : Bad