On connait le passé soviétique et KGBesque de Vladimir Poutine. On sait qu’il rêve le cauchemar d’une Union Soviétique reconstituée, de reprendre ce qu’il estime avoir été volé par la fin du Soviet suprême, ces territoires ayant choisi l’indépendance et l’émancipation de dessous la coupe russe.
Mais est-ce uniquement un trait soviétique, ou peut-on lancer la comparaison plus en arrière ?
Alexandre III, dont on a fait un pont éponyme à Paris, était l’avant-dernier empereur de Russie. Il y a régné de 1881 jusqu’au jour de sa mort en 1894.
Le père éponyme II
Son père Alexandre II avait été à l’origine de réformes réputées libérales : il avait aboli le servage en s’opposant pour cela à la noblesse. Il avait créé des « doumas », des assemblées locales qui commençaient à associer une partie de la population russe aux décisions politiques. C’était presque démocratique. Il avait réformé la justice, la rendant publique, donnant aux juges une certaine indépendance, permettant aux avocats de plaider, aux justiciables de faire appel. Il avait redressé l’économie russe, créé des lignes de chemin de fer, des écoles libérées de la tutelle de l’Église orthodoxe, etc.
Les gens l’aimèrent pour ça (en tout cas au début). Il fut assassiné en 1881 (comme presque tous les « mous » ayant un jour accédé au pouvoir en Russie).
Le fils
Le fils, Alexandre III, n’avait pas la même vision de l’exercice du pouvoir. Il n’aimait pas la politique de son père. Il exécrait ce qu’il appelait les influences étrangères. Le Russe est Russe, et personne d’autre ne devrait pouvoir avoir de l’influence au sein du pays. Les principes doivent être russes et ne pas être influencés par l’occident déjà considéré comme décadent.
A peine arrivé au pouvoir en 1881, il proclame son manifeste de l’autocratie. La Russie ne peut être gouvernée que par un seul, y renoncer serait la punir violemment. La démocratie russe meurt dans l’œuf. Un règlement est immédiatement promulgué qui permet de suspendre toute liberté par simple décret.
Les magistrats perdent leur statut inamovible et leur indépendance est abolie. Les doumas perdent quasiment tout pouvoir, et de toute façon toutes les décisions qu’il leur restent à prendre peuvent être annulées par le pouvoir central si elles déplaisent. L’école primaire est replacée sous le contrôle de l’Église et les universités perdent leur autonomie.
Mais surtout c’est la russification qui est intéressante. Alexandre III rend obligatoire la langue russe en Ukraine et en Biélorussie, et l’usage des langues nationales y est limité (pensez-y quand on vous parle de l’usage de la langue russe dans l’Est de l’Ukraine). Même dans les pays baltes, le russe devient langue d’enseignement officielle.
A l’époque, il n’existe pas beaucoup de « sectes » pour créer des boucs émissaires, alors on s’en prend aux juifs et aux « uniates » (églises catholiques orientales). A noter que le Kremlin d’aujourd’hui a reproché au gouvernement Ukrainien de renfermer en son sein des « uniates » (en plus de tout un tas d’autres « sectes » jugées responsables de la volonté d’émancipation des « ukronazis »).
Et Poutine ? (Non, pas le Saint-Esprit)
Vladimir Poutine, c’est un bien grand mot. Il n’est pas tout seul le bougre. Mais résumons le Kremlin à ce mot. Poutine fustige les « influences étrangères ». Poutine entend faire revenir la « petite Russie » (l’Ukraine vue par les tsars) dans le giron familial de la grande. Poutine n’aime pas ce qui fait de l’ombre à l’Orthodoxie Russe (ce qui inclut les « uniates » de l’Ukraine). Poutine veut défendre la langue russe chez les Ukrainiens (en Biélorussie le problème ne se pose pas vraiment) et se pose en défenseur des russophones du monde entier. Poutine multiplie les lois limitant les libertés gagnées sous ses prédécesseurs Gorbatchev et Eltsine.
Bref, quand vous pensiez que Poutine était la réincarnation de Joseph Staline, vous aviez oublié que la Russie tsariste avait aussi ses modèles. Poutine est tout simplement un vrai autopathe psychocrate russe. Et pas un mou ! Il y va de sa survie, pense-t-il.
La semaine prochaine, Ivan le Terrible ?