Certains, notamment à la radio, souhaitent évoquer la différence sexuelle à propos de tout ce dont ils parlent. En réalité, le genre (grammatical) n’a que peu à voir avec le sexe (réel, souvent on dit biologique). Et quand on parle, on dit des mots – merci Monsieur de La Palice – et on dit des genres grammaticaux, pas des sexes. Je suis une personne, une personne de sexe masculin, et ma femme, c’est quelqu’un ! Vraiment quelqu’un ! Tout le monde le dit. Quelqu’un de sexe féminin.
Après le sexe des anges, le sexe des robots
On voit cette obsession monter et s’étendre. S’étendre veut dire que ceux qui l’ont veulent l’appliquer à toujours plus d’objets. EELV a fait entrer les robots dans la sexualité. Sur leur site, on clique sur « je ne suis pas un(e) robot(e) ». Ce n’est pas genrer les robots, comme il est dit, c’est les sexuer. C’est induire l’idée qu’une femme si elle était un robot serait un robot de sexe féminin et devrait être nommée par un nom féminin. C’est induire l’idée que si on écrit « robot », on parle d’un robot de sexe masculin qui ne peut correspondre qu’à un « humain » de sexe masculin. Cela ne ressemble pas à ce qu’est le langage. On trompe le monde avec ces pratiques, qui ne sont pas explicitées, en général.
Une affiche dit « Paris est fièr(e) ». Voulant donner les deux genres grammaticaux à Paris. Les pays, les fleuves, les régions, les villes, ne sont pas sexués, et leur genre grammatical est aléatoire, arbitraire : le Brésil et la Belgique, le Rhône et la Loire, la Bretagne et le Berry… « Nantes m’était alors inconnue » (Barbara) et « Paris libéré » (Charles De Gaulle).
Si on parle d’un mannequin, on parle d’une femme, à moins de préciser, de la façon suivante en général : « un mannequin-homme ». À la radio, on nous parle de « maîtresse de conférence ». On le lit parfois. « Maître de conférence » est un titre pour enseigner, le maître de conférence n’est pas maître d’une chose qui s’appellerait conférence. « Maître de conférence se comporte comme un seul mot, à la manière de pomme de terre, par exemple : une pomme de terre n’est pas une pomme qu’on a ramassée par terre, c’est autre chose qu’une pomme. Par conséquence, une maître de conférence convient tout-à-fait et pour ceux qui veulent faire entendre le sexe, il faudrait plutôt dire et écrire “maître de conférencesse” : je ne le conseille pas, mais ce serait plus juste, plus conforme à la grammaire, puisque maître de conférence se comporte comme un seul mot (je note que ceux qui ne voient pas les choses comme moi ne discutent pas, mais imposent leur façon de faire et d’écrire).
La girafe et le girafe
Dans le réel, il y a deux sortes de neutre : ce qui n’est pas assujetti au sexe et les groupes qui contiennent les deux sexes. Le féminin de “une girafe” a valeur de neutre, on ne spécifie pas le sexe dans l’appellation « girafe », il y a bien évidemment la girafe femelle et la girafe mâle. Le masculin de « le public » vaut un neutre – il y a des femmes et des hommes dans le public -, le féminin de « la manifestation » vaut un neutre aussi pour la même raison que « public » : des femmes et des hommes manifestent (quoique certains pratiquent la séparation des femmes et des hommes, organisent des réunions – mot féminin à valeur de neutre – avec un seul sexe !)
Il n’y a pas de problème à parler d’une médecin, le « e » d’un nom commun n’est pas la marque du féminin, on dit une maison, pas une maisonne… Il n’y a pas de problème à parler d’autrice comme acteur/actrice. Une professeur convient et non une professeure (exemple : ma sœur, une fleur…)
Le symbolique n’est pas le réel
Ce qui se joue là est la confusion du symbolique et du réel. Des mots et des choses, si vous préférez. Ce qui se joue là n’est pas un rapprochement d’une égalité entre les femmes et les hommes. L’enjeu est de faire croire que si on emploie un nom masculin, on dit que la personne de qui l’on parle est de sexe masculin, et réciproquement. Le langage est symbolique : on l’invente et on est d’accord suffisamment pour partager cette invention et se comprendre les uns les autres. Le langage est dans un rapport « numérique », digital aux choses, aux êtres, aux événements. Je dis « regarde la pie » je n’ai pas dit que cette pie était une femelle, je n’en sais rien et je m’en fous, mon interlocuteur aussi. Et quand je dis mon interlocuteur, je n’ai pas dit que c’était un homme ou un garçon. Ce qui est en jeu, c’est que tout le monde finisse par trouver évident que si on parle d’une pie, il s’agisse d’une femelle, et que si on dit “interlocuteur”, on a parlé d’un interlocuteur de sexe masculin.
Le vélo et la bicyclette s’aimaient d’amour tendre
On fait croire, avec une grande insistance, ne ratant pas une occasion de le dire, une chose fausse et on impose une « réparation ». C’est imbécile puisque cela répare une fausseté inventée, et de plus la « réparation » proposée est impraticable, ce qui montre bien, a posteriori, la vacuité de ce qui doit être réparé.
Il est parfois difficile de distinguer une pierre d’un caillou, mais ne les retournez pas en tout sens pour trouver leur sexe, vous n’en trouverez pas. Pierre et cailloux sont dans le langage, dans le genre, pas dans la réalité, dans le sexe. On est dans les mots, pas dans les choses. Il en va de même des vélos et des bicyclettes.
Une nouvelle idéologie afin de dissimuler une domination
Marx a montré qu’une idéologie était un discours comportant une cohérence interne, s’appliquant mal au réel. Les raisons de la persistance d’une idéologie réside dans la dissimulation d’une domination, d’une exploitation. La question posée par cette idéologie appelée « écriture inclusive » est de savoir qui profite de cet amoncellement d’à-peu-près et de mensonges. Ce sont celles qui se prétendent victimes de toutes ces fausses observations (fausse observation est un oxymore). Peu de gens se rendent compte intellectuellement qu’on peut dominer en se faisant reconnaître comme victimes : « avec tout ce que j’endure, tu ne vas pas me demander quelque chose de plus. » Beaucoup de gens s’en rendent compte pratiquement : la recherche d’un statut de victimes – victime c’est-à-dire le fait de devoir être secouru, assisté, même en l’absence de toute agression visible et reconnaissable – cette recherche d’un statut de victime est la méthode la plus pratiquée en ce moment pour dominer, tout en étant parfaitement dissimulée.
S’en prendre au langage est vraiment le summum de cette pratique délétère. La qualité des relations entre les femmes et les hommes n’est pas autre dans les pays de langue anglaise.
Quant à montrer la falsification que sont les récriminations portées à la langue française à propos des relations entre les femmes et les hommes, ce n’est pas difficile. J’en ai fait un petit bout, vous pouvez continuer tout seul(e)s. Avec un clin d’œil de fin.