Kenneth White porte un nom prédestiné puisque la couleur blanche rentre pour beaucoup dans ses premières révélations existentielles. La présence au monde est indissociable des expériences révélatrices de l’enfance, pérégrinations directement dans la matière, marches sur la houle des collines écossaises à l’ivresse d’océan. Neige, mouette, écume, page. Le « monde blanc » peuplé de présences sensibles aiguille longtemps sa quête.
L’Écosse natale lui sera trop étroite, voire étriquée. Comme tant de ses compatriotes qui peuplent tant de pays, il en partira à la recherche, selon ses propres mots, de « nouvelles coordonnées ». Espérances d’horizons intellectuels non point plus pénétrants mais dont la variété permet l’ensemencement.
Borne géodésique qui déambule sur les terres, nomade car il sait parfaitement où il se trouve – il ne s’agit en rien d’une errance – il fonde la « géopoétique », ambition d’une nouvelle poétique du monde à la fois ouverte aux influences et à rechercher dans son propre intérieur. Paisible et sagace, le poète-penseur cultive le « terrain géoanarchique » qui permet de relier toute matière et toute pensée. La poésie est une variété chamanique qui part du réel pour aller au surréel, sans laisser derrière le réel qui le nourrit.
Car la métaphysique est inséparable de la réalité. Le monde physique et ses manifestations doivent amener à une vision complète du monde, qui les englobe et ajoute l’invisible. Le blanc n’est-il pas la somme de toutes les couleurs du spectre chromatique? Pour White, « le poète ne se soucie pas d’art mais de réalité ». Décrire ce qui est et non ce qu’on aimerait qui soit ou ce qui pourrait être, phénoménologie poétique de l’attendu non encore révélé.
Homme de rivages – territoire du vide cher à Alain Corbin – Kenneth White effectue dans son « atelier atlantique » des Côtes-d’Armor une longue percolation de la conscience. Le cheminement est intérieur, la méditation zen y tient une place majeure, et extérieur, en un rapport au monde physique dans son expression la plus minérale.
Son œuvre, celles des autres qui y ont trouvé des sources seront explorées lors des prochaines rencontres géopoétiques organisées en juillet à Trébeurden.
Éric Desordre
Rencontres géopoétiques de Trébeurden – « Voyager / Habiter » – les 15 et 16 juillet 2023. Conférences, lectures expositions, films et concert organisés par L’Institut international de géopoétique avec Kenneth White. Centre Culturel Le Sémaphore 7/9 rue des Plages, 22560 Trébeurden.
http://www.institut-geopoetique.org/fr/147-trebeurden