
Tout d’abord, quelques mots sur Lars von Trier et ses fans. Tout en comprenant tout à fait que l’on peut aimer son travail, quand j’aborde son cinéma avec quelques d’entre eux, le même argument revient toujours : von Trier est un génie, les spectateurs et les critiques ne le comprennent pas et sont choqués à tort. Comme si (ce qui me fut maintes fois répété) parce qu’il était incompris et qu’il choquait, il était un génie. Je suis désolé, mais des imbéciles patentés peuvent choquer, et être incompris n’est pas une marque de génie (sinon il y aurait du monde!).
Le deuxième problème est le but. En regardant les films de von Trier, j’ai toujours le sentiment que son but (peut-être le principal) est de provoquer et de transgresser. C’était marrant quand j’étais jeune et il faut reconnaître qu’il y avait manifestement dans son cinéma quelque chose de Punk. Par exemple, Breaking the Waves était une sorte d’Ordet où la prière était remplacée par le sexe, tout ça sur une bande-son éminemment rock. Néanmoins, presque 30 ans après, constamment essayer de choquer à quelque chose d’immature et de pathétique. Quand on lui pose la question sa réponse est: « J’aime plaisanter! ». C’est un peu court, surtout quand il déclare: « Je suis un nazi! », ce qui est en effet hilarant.
C’est d’autant plus pathétique qu’il est un grand réalisateur quand il s’agit de filmer, de créer des images et des scènes mémorables, de mettre en place une atmosphère. Il est aussi un bon directeur d’acteurs.
Mais à quoi sert tout ce talent?
Dans Antichrist, à filmer la mort d’un enfant comme un conte de Noël, sur des ralentis empruntés à Sergio Leone. Á filmer le deuil des parents comme une descente en enfer totalement sordide et malsaine, dans un endroit isolé appelé Eden (Quelle culture ! Quelle délicatesse !).
La meilleure partie du film est quand il ne se passe rien, quand la forêt joue son rôle proprement fantastique, quand les peurs ancestrales, les fantasmes profondément enfouis sont tapis dehors. En effet, von Trier crée des images marquantes, mais qu’en fait-il ? Car ce qui arrive est juste sordide, indigne et vain.
Veut-il démontrer quelque chose sur le mal (on a beaucoup de difficulté à comprendre le titre), sur le deuil, sur le bien et le mal, sur les relations humaines ? Aucune idée, et ce que je saisis de quelques réflexions sur les femmes est repoussant. Je n’apprends rien sur la nature humaine en regardant le film et comme d’un autre côté ce n’est pas exactement un divertissement, que reste-t-il ? Une complaisance dans le sordide. Cela me fait penser aux nombreux cinéastes qui truffent leurs films de violence, en disant que c’est pour la dénoncer. Vraiment ? Qui croient-ils tromper ?
Je frémis en imaginant un couple ayant vraiment perdu leur enfant et regardant ce film. C’est une insulte à la douleur et au deuil.
Von Trier souffrait parait-il de dépression en écrivant le scénario. Était-ce donc un sorte de thérapie ? Qu’il écrive alors sur la confection de la quiche Lorraine ou le championnat de France de football et laisse la tragédie humaine à des auteurs responsables. Car, s’il est quelque chose de certain dans son cinéma, c’est qu’il n’aime pas les gens. Il n’y a pas pas une once d’empathie sincère dans ce film. De plus, comme dit au début, vouloir étre transgressif et choquer sur un sujet pareil est non seulement immature mais écoeurant. Il y a une sorte de jubilation adolescente à saccager le chagrin et la souffrance humaine.
Kubrick, par exemple, ne semblait pas porter l’humanité dans son coeur, et l’on serait bien en peine de trouver un héros vraiment sympathique dans ses films. Oui, mais il a réussi à déboulonner la société, la science, l’armée, la guerre, l’aventure, le désir et le sexe, sans jamais détruire l’intimité ou la douleur humaine quand von Trier semble prendre un malin plaisir à « profaner » l’esprit humain.
Pour couronner le tout, il dédie son film à Tarkovski, ce qui doit également être une provocation. En effet, Tarkovski n’a eu de cesse de dire que l’art devait s’adresser à dieu ou traiter de transcendance. Aucune transcendance chez von Trier, mais seulement l’immanence des choses malsaines qui tirent l’humanité en souffrance dans la fange et le chaos.
Son dernier film: The House that Jack Built vient, s’il en était besoin, confirmer cet appétit pour le cloaque, avec toujours l’alibi d’images fortes et mémorables.