
En février dernier, au public, sur le plateau de l’émission Quotidien (TMC/TF1). La journaliste de Blast y recevait le prix Q d’Or l’essai (20)25. Avec près de 160 000 exemplaires vendus de Résister, son dernier livre sorti en octobre 2024 (chez Payot), elle est le phénomène du moment de l’édition française.
En février dernier également, Salomé Saqué était invitée à la Grande Librairie pour parler de son livre Résister, en même temps qu’André Comte Sponville (72 ans) qui publie « L’opportunité de vivre ». Deux personnalités extraordinairement différentes à plus d’un plan. Je connaissais déjà A. Comte Sponville pour l’avoir entendu dans d’autres émissions et lu quelques-uns de ses écrits. Je ne connaissais rien de Salomé Saqué.
Les premiers échanges entre Salomé Saqué et A. Comte Sponville ont évidemment porté sur la discussion ou les supposées oppositions entre générations, les attitudes politiques et l’âge, etc. A Comte Sponville ne parle pas d’ailleurs pas de conflits générationnels mais d’incompréhension, d’autant plus forte qu’elle se manifeste dans le cadre affectif de la famille ou du réseau d’amis. Salomé Saqué semble d’accord, mais ça se complique un peu quand on en arrive à parler des émotions, de l’indignation. Elle s’offusque à entendre qualifier la jeunesse d’égoïste, d’inculte, etc… Ne pas avoir d’émotion, serait de l’apathie ? …. (22 :18’) A la 22ème minute de l’émission, elle expose ses vues sur le débat qui est saturé d’informations, de fausses informations surtout, avec pour conséquence qu’on ne sait plus qui croire. Parfait.
Ça commence à coincer quand Salomé Saqué (27 :48’ ) s’inquiète de la façon dont le langage d’extrême droite s’impose dans la vie politique en martelant l’islamo-gauchisme, le wokisme, le « droit-de-l’hommisme » , la bien pensance ou encore le grand remplacement. Elle ne se pose pas la question de savoir si ces termes se sont imposés du seul fait de l’extrême droite et passe subrepticement du dialogue à la caricature, car si ces termes existent, ils ont aussi une signification qu’il ne faut pas confondre avec l’instrumentalisation qui en est faite. Si le « droit-de-l’hommisme » devient une notion négative, utilisée par l’extrême droite (et Macron, évidemment), Comte Sponville rappelle que c’est Marcel Gauchet qui a créé le concept, pas l’extrême droite, cela pour signifier que défendre les droits de l’homme ne constitue pas une politique, qu’il convient de ne pas confondre morale et politique. De même, si on parle du wokisme, c’est bien parce que c’est ainsi qu’aux USA , les « éveillés » se sont eux même qualifiés. Pour l’islamo-gauchisme, bien que le terme relève de la maladresse, il constitue le résumé de l’abandon par une partie de la gauche de la laïcité au profit d’un soutien en creux au mouvement islamiste sur fond de discrimination supposée des musulmans dans la pratique de leur culte.
Salomé Saqué considère que ces expressions sont utilisées à dessein pour discriminer. Mais discriminer qui ? Les termes sont les arguments d’une réponse à d’autres courants d’opinion et permettent de manifester ainsi un désaccord ; ils ne s’adressent pas à des populations ou des catégories sociales mais à un contradicteur.
A ce point du débat, je me suis interrogé sur la personnalité de S. Saqué, sur ce qu’elle a pu faire et écrire pour l’amener à ce statut d’idole écolo. Il y a d’abord sa collaboration régulière avec l’activiste Camille Etienne qui se rend régulièrement sur des terrains de lutte (sans risque) comme le chantier A69 . C’est la même Camille Etienne, ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Camille_%C3%89tienne ) qui « Le 16 juin 2021, annonce porter plainte, aux côtés du réalisateur militant Cyril Dion et de l’eurodéputé Pierre Larrouturou, contre Jean Castex et quatre autres ministres (Bruno Le Maire, Barbara Pompili, Emmanuelle Wargon et Jean-Baptiste Djebbari) pour leur inaction face au dérèglement climatique. » Porter plainte contre J. Castex, il en faut du courage et de l’abnégation ! ça n’a évidemment servi à rien qu’à organiser un petit spectacle médiatique pour pas cher.
Je me suis ensuite intéressé à Salomé Saqué, responsable du pôle économie à Blast, feuille éditoriale numérique dont je parcoure différents articles, histoire de me faire une opinion. Je tombe alors sur un article publié après que le PS ait refusé de voter la motion de censure, après Mayotte, etc.
(https://www.blast-info.fr/articles/2025/parti-socialiste-trahir-et-detruire-skUCJRyUQK-i76v4Rg1R2A)
Et là, on est face à un éditorial directement inspiré des vieux procès staliniens, où il est question de trahisons, de félonie, de complicité. Un des temps forts est celui où l’éditorialiste, qui n’a pas supporté que Jospin recommande la non-censure du gouvernement pour que la France ait un budget, écrit : « Le vieux Lionel, du trotskisme au racisme, spectaculaire dégringolade morale sur l’autoroute des abîmes. » Il a oublié les vipères lubriques !
Toujours dans Blast, un petit article intitulé « Edition : Salomé Saqué vs Jordan Bardella, le match est lancé », la même Salomé Saqué déclare : « Merci à celles et ceux qui ne cèdent pas aux discours haineux et font le pari de l’humanité, de la solidarité. Merci beaucoup de ne pas perdre votre boussole. » Comment peut-on oser dire ça en tant que collaboratrice d’un journal aussi haineux ? Une version améliorée du « en même temps » ?
Il est loin le sens du dialogue vanté en début de la Grande Librairie de février dernier. Il faut plutôt lire : j’ai une opinion, si vous ne la partagez pas, vous êtes d’extrême droite. Comment osez-vous me critiquer ?
Emmanuel Gambet