
C’est toujours à contre-ciel que naît la poésie.
La poésie, celle qui ne se complaît dans aucune forme convenue, ne fait aucune concession au monde mercantile ou aux modes, s’obstine à chercher la vérité des êtres, celle qui arrache à la vie sa douleur et sa joie, s’écrit toujours à contre-ciel.
Ainsi Jean-Luc Maxence fut-il poète. Ainsi le restera-t-il à jamais.
Je ne sais pas de parcours plus obstiné que celui de Jean-Luc Maxence, poète, depuis Le ciel en cage (publié en 1969) à Tout est dit ? (publié en 2020). Sa rage était intacte et il interrogeait ainsi sans cesse « dans les yeux (…) plus de 40 ans de présence poétique » comme il l’affirmait dans cet article du 28 décembre 2021 de Rebelle(s) au titre révélateur, Le poète est toujours un imbécile, ce que j’appelle être toujours à contre-ciel, c’est-à-dire libre et vrai.
« La poésie qui compte bouscule, fait rêver, secoue la paresse des foules jusqu’au bout de l’espérance revenue ». Elle cherche la beauté qui fait mal, celle qui dit Le cœur du corps (ce roman poétique de 1993 où Jean-Luc Maxence revient une fois de plus sur son enfance bafouée, salie, brisée par ce Rémy qui aura traversé toute son œuvre), elle cherche la lumière, celle qui sublime la tristesse infinie que je voyais, jeune, en 1976, chez lui Avenue d’Italie, dans les yeux de Ghislaine Amon, elle dit l’amour total pour Danny-Marc que les poèmes de Tout est dit ? chantent et rechantent comme une ronde de baisers sans âge n’en finissent jamais de faire craquer son cœur quand, dit le poète, « C’est bien à toi que j’ai le plus à dire ».
Ainsi chez Jean-Luc Maxence, le poète révolté, la révolte s’accompagne toujours d’une prière, la rage toujours d’une tendresse, l’obstination toujours d’une passion pour celles et ceux qui s’adonnent à la poésie comme on s’abandonne au désir de vivre, avec toute la folie et toutes les douleurs de l’espérance, comme on s’acharne à continuer son chemin aussi difficile soit-il, comme on aime, comme on veut aimer, malgré tout.
« On passe son temps à chercher ce que l’on ne trouve pas » disait Le ciel en cage. Mais voilà bien ce qui définit le travail du poète, marcheur infatigable, et fatigué pourtant, chercher, avancer, chercher encore ce que l’on ne trouvera pas sinon seulement dans cette quête aussi spirituelle que charnelle qui fait toute la vie du Piéton des étoiles qu’est désormais Jean-Luc.
S’il faut « mourir comme un été à bout de souffle », tu l’as fait, poète. « Derrière chaque porte, m’attend un autre seuil à franchir », écrivais-tu à la fin de ce Cœur du corps jusqu’où tu as voulu descendre pour essayer de comprendre, encore et encore, la route sur laquelle tu marchais toujours comme le piéton de Rimbaud. « Au-delà, j’y pressens Dieu (…) Un Dieu de paumes ouvertes en forme d’immense prière. » Voilà que tu as franchi le seuil de la mort. Un poète est toujours un imbécile. Tu pensais bien que tout cela était peut-être un leurre de plus, une vaine consolation, un prétexte d’apaisement.
Mais je crois que tu es en paix, poète. Aujourd’hui, je suis heureux, as-tu écrit avant de poser le mot Fin tout au bout de ton roman.
Aujourd’hui, tu es heureux.
C’est toujours à contre-ciel que s’écrit la poésie.
Te voilà désormais contre le ciel, tout contre.
Joël Mansa, Le Bouscat, le 18 janvier 2025.