Les albums Rumours et Tusk sont donc de très grands succès et propulsent le groupe au firmament, tant auprès du public que des critiques.
Stevie Nicks – Edge Of Seventeen (1981)
Pendant ce temps-là, Stevie sort son premier album solo, Bella Donna et le hit qui en sort est pour le moins détonnant. Sa prestation sur scène est tout simplement éblouissante. Attention : morceau d’anthologie !
Un évènement impressionnant intervient à 2 mn 46 secondes exactement : il faudra qu’un spécialiste des sciences physiques m’explique un jour comment une toute petite nana comme Stevie, perchée sur de hauts talons de surcroit, peut faire un tel lancer de jambe aussi haut et aussi droit tout en dansant !
L’album Mirage (1982)
Gypsy : un curieux retour en arrière de Stevie sur fond de crise financière de 1929 dans le clip. On se croirait dans les Raisins de la Colère par moments. Les membres de Fleetwood Mac sont riches désormais et Stevie pose un regard attendri sur l’époque où Lindsay et elle étaient pauvres, avaient une petite chambre où ils posaient le matelas sur le sol. Une époque pas facile mais où tout était plus simple, en fait.
Hold Me : un clip plutôt rigolo et une grande chanson. John et Mick en archéologues qui déterrent des artefacts du Rock ‘n’ Roll. Christine et Lindsay qui chantent en harmonie les couplets. Qu’est-ce que leurs voix vont bien ensemble, c’est à peine croyable. On les croirait sortis de la même matrice, frère et soeur. Et Stevie… Princière… Comme d’habitude ! Du grand Fleetwood Mac.
L’album Tango In The Night (1987)
Big Love
Everywhere : on y retrouve des choeurs majestueux à la Rumours dans le refrain.
Little Lies : une chanson de Christine. Très bel arrangement vocal sur le refrain où Stevie fait entendre, en canon, toute la richesse de sa voix de contralto.
When I See You Again : une troublante chanson de Stevie. Personne d’autre qu’elle n’aurait pu la chanter de cette façon.
Les oiseaux s’égayent en tous sens
Suite à ces deux dernières pièces musicales de qualité (même si elles n’égalent pas leurs trois premiers albums en commun), on va assister à un véritable jeux de chaises musicales. Chacun des trois auteurs compositeurs va y aller de son départ puis de son retour, Mick Fleetwood et John McVie restant fidèles au groupe. Jugez-en plutôt : Behind The Mask sans Lindsay Buckingham, Time sans Lindsay et sans Stevie Nicks et Say You Will avec Lindsay et Stevie mais sans Christine McVie ! Tout ça va nous donner des albums tout à fait… Dispensables.
L’alchimie Fleetwood Mac repose sur ses cinq membres, cinq âmes soeurs, on ne le dira jamais assez et dont aucune n’est remplaçable. Peut-on décemment appeler cela des albums de Fleetwood Mac ? Rien n’est moins sûr.
Pourquoi tant d’inconscience de ce qu’ils sont vraiment et de comment ils fonctionnent ? J’ai bien une théorie : les personnes choisies par les Muses ignorent toujours pourquoi elles ont été choisies en même temps que les autres membres du groupe. Elles avancent en dispensant généreusement leur don d’Elu… Mais l’ironie c’est que les Elus ne savent jamais la chance qu’ils ont d’avoir été élus.
Le comble du ridicule est atteint en 1992 où Bill Clinton choisit Don’t Stop comme chanson officielle de sa campagne et convainc Fleetwood Mac de la jouer pendant sa cérémonie d’investiture ! Je ne posterai pas cette vidéo affligeante qui a dû faire se retourner dans leurs tombes bien des musiciens décédés qui ont aimé et fait le rock ‘n’ roll. Quand il est récupéré par le monde de la politique, le rock prends tout de suite une teinte profondément écoeurante.
Un renouveau ?
Il y aura quand même une belle renaissance de l’esprit Fleetwood Mac en 1997 avec The Dance, un magnifique live avec les cinq membres d’origine. Je ne saurais trop vous conseiller de regarder le concert en entier :
En 2013, Christine rejoindra tout de même le groupe sur scène pour un unique morceau où elle recevra une vibrante acclamation du public pour son retour dans le groupe. Un moment émouvant :
Mais depuis le 30 novembre 2022 et le décès de Christine McVie, il n’y aura plus de reformation de Fleetwood Mac dans toute son intégrité. Les autres membres, dont l’âge oscille entre 73 et 79 ans, ne peuvent que le reconnaitre. Il reste que The Dance est un bien beau Chant du Cygne.
Fleetwood Mac pour les nuls
Stevie, Christine, Lindsay, Mick et John… Comme tous les grands groupes, ils se sont miraculeusement trouvés, ont créé quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes, se sont consumés à la tâche, se sont déchirés, séparés et sont re-nés de leurs cendres. Et la chanson The Chain explique pourquoi c’était ce qu’ils pouvaient faire de mieux, de plus grand de leur existence. Leur destin, en quelque sorte.
Certaines personnes essaient désespérément de vivre comme des stars. Les membres de Fleetwood Mac, de vraies stars ceux-là, vivaient simplement leur vie personnelle à travers leur musique, avec toute l’exaltation et les déchirements que ça suppose.
Ça ne manque pas de rappeler Oscar Wilde qui disait, par Dorian Gray interposé, qu’une personne mettait tout son talent dans sa vie ou dans son art, rarement dans les deux.
Epilogue
Un cruel dilemme se pose à chaque membre d’un grand groupe dont les années de gloire sont liées à une époque passée : comment continuer sa vie en sachant que cette époque magique est révolue ? Ceux qui ne sont pas morts d’overdose ou ivre morts dans un accident de voiture au faîte de leur gloire vont devoir se poser cette question un jour ou l’autre. Tous les Fleetwood Mac, les Rolling Stones, Led Zeppelin, The Who et tant d’autres.
Il me semble que le processus pour y arriver est le suivant :
– reconnaitre qu’on a créé une légende vivante, quelque chose de plus grand que soi, qui dépasse le cadre étriqué d’une existence humaine, et l’assumer avec dignité.
– comprendre que ce qu’on a fait dans ce groupe à l’époque est ce qu’on a fait et fera de mieux artistiquement de toute son existence (difficile à admettre pour un artiste car ça revient à accepter le fait que le meilleur de la créativité est derrière soi)
– cesser de sortir de nouveaux albums insipides dont personne n’a rien à faire
– partir sur la route pour célébrer par des concerts de grandes messes Rock ‘n’ Roll où le groupe et ses fans communient, car, sans ses fans indécrottables, la popularité d’un grand groupe n’est que vacuité.
– continuer ainsi jusqu’au bout du chemin et quitter cette terre avec dignité et panache, comme John Lee Hooker nous l’a si bien démontré.
Les grands groupes qui ont réussi ce processus n’ont plus que faire de “l’époque magique révolue”. Le Temps n’a plus aucune prise sur eux. Tout simplement et réellement, ils deviennent des Immortels.
A Christine McVie, RIP et merci pour tout ce que tu nous as donné 🙂