L’album éponyme de Fleetwood Mac connait donc un grand succès en 1975 et 1976. Il nous révèle déjà tout le potentiel du groupe.
Rumours, de Fleetwood Mac (1977)
Mais c’est dans l’album suivant, Rumours, succès planétaire, que le groupe donne toute sa mesure. Il faut dire que l’émotion était à fleur de peau parmi les membres. Les divorces vont bon train, entre Christine et John McVie, entre Lindsay Buckingham et Stevie Nicks, entre Mick Fleetwood et sa femme, qui ne faisait pas partie du groupe… Bref, c’est la Bérézina de la vie de couple. Et il est tellement difficile d’accepter d’abandonner un rêve que l’on croyait éternel… Les sentiments mélangés (les Stones diront plus tard Mixed Emotions) qui en découlent vont propulser le groupe au sommet de sa créativité. Quoi de mieux que la musique quand tout s’écroule dans la vie personnelle ? On peut dire que Rumours est un compte rendu précis du naufrage que chacun ressent. Les chansons parlent principalement de rupture ou de relation de couple idéale et fantasmée… Ce qui aurait dû provoquer la mort du groupe devient le ferment de sa créativité. La magie de la sublimation.
Les morceaux
Go Your Own Way est un morceau déchirant de Lindsay sur sa rupture avec Stevie. On y perçoit clairement sa sensibilité à fleur de peau. Il fait un solo magnifique sur la fin, un solo qui est le montage de plusieurs solos mis bout à bout.
Toutefois, la souffrance fait parfois dire des bêtises. Il adopte un ton un peu revanchard et laisse entendre, dans le deuxième couplet, que Stevie avait des aventures à droite et à gauche pendant leur liaison. Or, lui et elle savent très bien que ça n’est pas vrai. Stevie a toujours détesté ces vers, d’où sa mine digne mais déconfite à ce moment-là du morceau dans certaines versions live de l’époque. Pour la version live de 1997 dans le live The Dance, ils semblent avoir fait la paix : Stevie chante même ces vers en harmonie avec Lindsay et les échanges de regard qu’ils peuvent avoir en disent long. La chanson a cessé pour tous les deux d’être un règlement de compte, c’est juste une chanson et l’un de leurs plus grands succès. Au fond, peu importe pour un musicien ce qui est à l’origine d’une chanson tant que la chanson est bonne :
Dreams : quelle chanson de Stevie pourrait mieux décrire Stevie ? On y découvre tout son univers intérieur et son regard sur le monde. Au vu de certains vers, on peut aussi se demander si ça n’est pas une sorte de réponse au Go Your Own Way de Lindsay… Les femmes sont souvent plus subtiles que les hommes à ce jeu-là 🙂
Don’t Stop : LE grand hit à succès de l’album. La chanson positive par excellence où Christine et Lindsay nous font voir la vie sous un angle enthousiasmant : “Hier est parti, demain sera meilleur qu’avant”. Typique de l’état d’esprit des années 70 !
The Chain : alors là, on touche au secret le plus profond de la réussite de Fleetwood Mac. Composée par les cinq membres, ce qui est unique, la chanson décrit ce qui les attache les uns aux autres, ce qui les lie entre eux : “la chaine est ce qui nous garde ensemble, nous qui courons dans l’ombre”. Quelles que soient les histoires d’amour déçu qu’ils sont en train de vivre, le groupe et sa musique c’est ça le plus important. Et on comprend bien que “personne ne songera à briser la chaine” de Fleetwood Mac. Le début possède une couleur indéniablement Crosby, Stills, Nash & Young puis John McVie, sur une simple ligne de basse, fait évoluer le morceau en un crescendo où les choeurs attaquent droit au coeur.
Gold Dust Woman : la cocaïne commençait à être très en vogue chez les musiciens de rock dans les années 70. Des avantages immédiats : une sensation de bien-être et d’euphorie, d’apparente lucidité extrême, un sentiment de puissance intellectuelle et physique, etc. Dans les faits, une prise régulière de la substance provoque une forte dépendance, d’autant plus que la disparition de l’effet, la descente, amène une grande anxiété. La cocaïne, Stevie Nicks connait bien. En fait, sans avoir fait la démarche d’en acheter pendant les tournées ou les séances de studio, il y en avait partout à disposition et elle aussi a été séduite par ses “avantages” apparents. Pas encore vraiment “accro” à l’époque, elle pouvait en constater les effets chez les autres. La chanson est née de cette observation et “Gold Dust” (poussière d’or) est une métaphore pour cocaïne où la substance devient une femme fatale qui brise un homme.
Songbird : encore une très belle chanson romantique de Christine. Les conditions d’enregistrement sont inhabituelles. Le producteur Ken Caillat a fait installer Christine au piano dans un grand auditorium, d’où ce son “classique”.
You Make Loving Fun : Christine s’est surpassée sur ce morceau, autant dans les paroles que dans la musique. Il faut dire qu’elle bénéficiait d’une source d’inspiration par ce qu’elle vivait sur un plan personnel : une histoire d’amour libératrice et revigorante avec un membre de l’équipe technique du groupe. Les paroles expriment à merveille comment ce genre d’histoire peut être source de joie ou d’amusement plutôt que de “prise de tête”.
Tusk (1979)
Après le succès déferlant de Rumours, le groupe tourne beaucoup et, conscient qu’on va l’attendre au tournant, prend tout son temps (près de deux ans !) pour enregistrer Tusk, qui est un double album. Pressentant dès le début que les séances vont être longues, Mick Fleetwood suggère à leur maison de disques de leur accorder une avance pour qu’ils se construisent leur propre studio d’enregistrement. La compagnie refuse… Mauvais calcul : Tusk coutera à Warner Bros Records 1,4 millions de dollars !
A l’époque, Lindsay Buckingham écoutait pas mal de Punk et de New Wave. Ça aura une influence importante sur le son de la majeure partie de l’album qui n’aura plus cette sonorité acoustique et magique de Rumours mais sera doté d’un son beaucoup plus dur, plus urbain. Et il est vrai que Tusk est fortement déroutant si on a adoré Rumours. Les mélodies vocales sont moins inspirées, les morceaux moins originaux et moins finement arrangés. On y recherche désespérément une grâce qu’on ne trouvera principalement que dans les morceaux composés par Stevie Nicks. Même Christine et Lindsay semblent avoir un peu perdu de leurs mannes respectives. Un journaliste américain, Stephen Holden, comparait d’ailleurs Tusk à l‘Album Blanc des Beatles, un autre album célèbre et expérimental dont la disparité et le manque de direction le rend difficile à écouter comme un tout. Malgré tout, porté par la vague Rumours, Tusk se vendra comme des petits pains. Toutefois, le temps aidera à mieux saisir son importance relative : à l’heure actuelle, Rumours de Fleetwood Mac fait partie du Gotha des meilleurs ventes d’album de tous les temps, talonnant Michael Jackson, AC/DC, Pink Floyd, les Eagles, Whitney Houston et les Bee Gees. Tusk n’apparait même pas tout en bas du classement 🙂
Over & Over : une très belle chanson de Christine. De subtiles interventions de Lindsay à la guitare slide.
Sara : alors là par contre, on retrouve pleinement ce qui fait la force de Fleetwood Mac… Grâce à Stevie. Christine lui fait de magnifiques contrechants dans le pont. Tout simplement fascinant !
La version live, un peu plus rapide et avec une magnifique interprétation de Stevie :
Sisters Of The Moon : Encore Stevie. Belles guitares de Lindsay.
Tusk : le morceau éponyme de l’album et son premier single. On peut voir dans le clip une répétition du morceau et quelques prises de vues éparses. Visiblement, Stevie a été majorette dans son jeune temps, ça ne s’invente pas ce genre de dextérité.
La prochaine fois : Edge Of Seventeen