Le dernier ouvrage du romancier-essayiste souvent austère, propose une longue et heureuse balade fort apaisante par les temps qui courent, entre les sommets et les nuances de blancs qui couronnent et colorent les montagnes. Pascal Bruckner dépeint un amour fusionnel pour cet univers qu’il connaît à merveille, avec la délicatesse et l’endurance sereine de l’habitué des fragilités et des pièges qu’il recèle. Il y est initié dès l’âge de 2 ans, au hasard de séjours effectués dans divers établissements autrichiens et suisses, spécialisés dans le soin des troubles respiratoires.
Cet apprentissage se poursuivra toute sa vie et encore aujourd’hui, au fil de randonnées et courses qu’il continue à effectuer régulièrement. Il tient à rappeler qu’il a toujours maintenu cette pratique dans le champ de l’amitié et de l’amateurisme – de celui qui aime – maintenant à distance ceux qui, de plus en plus nombreux, ne pensent qu’à la performance leur permettant d’aller toujours plus haut, plus vite et plus fort… Il partage cette calme passion avec sa fille et de fidèles compagnons de cordée qui l’aide à réaliser l’élévation spirituelle et la méditation philosophique que lui facilitent ces paradis réels où il éprouve jouissance et joie. Il évoque et compare avec justesse et respect les itinéraires des penseurs qui se sont inspirés des cimes pour élaborer leur contribution intellectuelle et métaphysique, nous faisant partager ses échanges avec Rousseau, Nietzsche et quelques autres. Il peint le blanc de la neige dont il contemple la chute des heures durant. Il dessine sa passion pour le blanc du lait, au point de vouer aux vaches qui le produise un culte à faire pâlir le plus pieux des hindous. Il esquisse la douceur des chalets et des refuges, la beauté des perspectives et paysages d’altitude, là où il respire tellement mieux que dans les méandres des villes, là où il éprouve « l’absurdité délicieuse de l’existence ». Il brosse les qualités suisses qu’il apprécie chaque fois qu’il se rend sur place, à partir desquelles il peut échapper à toutes les vicissitudes de ce « bas monde ». Il croque rudement un père dont il supporte la brutalité et l’antisémitisme qu’il abhorre pour ne pas lui abandonner une mère vulnérable.
Cet essai-autobiographique est également une occasion pour rappeler avec humour le statut de juif dont il sera affublé, à tort, toute sa vie, lui qui aime tant à rappeler son appartenance protestante enracinée dans le Sud-Ouest.