Les nombres premiers ne sont pas les plus commodes, alors par où commencer ? Mais par les nombres entiers, au moins vont-ils d’un pas régulier, pour les barreaux de mon échelle afin de les régler. Car les premiers, ne sont pas du tout réguliers dans leurs écarts pour permettre de grimper en mesure bien écartée. Les nombres premiers sont primesautiers dans leurs façons de se répartir en intervalles des plus irréguliers, ils feraient des instruments foutraques, pas du tout adaptés à une gamme harmonique, sans nous faire tomber dans les comas des gammes exotiques, nous aurions l’oreille branchée sur la musique du hasard… de leurs intervalles ultra-irréguliers : de quoi se louper au lieu d’aller vers les sommets. Une échelle à se faire taxer de danger, avec excès d’accidents face à autant de barreaux prêts à se dérober. Ne parlons pas des décimaux, pas du tout adaptés à notre construction pour se hausser en toute sécurité. Perfides avec leur précision après la virgule : ils amincissent le réel, ils écroulent le monde tangible : alors sur quoi prendre appui, si les barreaux fondent en pluie ? Nous voilà le pied posé sur des trous de sable en train de s’effondrer – comme aujourd’hui la paix. Ne prenez pas les décimaux pour des animaux bien dressés : ils n’ont rien de nombres discrets. Ceux-là doivent être entiers dans la plupart des cas ! Ils ont juste des places assignées, est-ce pour cela qu’on les nomme discrets ? Je ne le crois pas !
A ce stade, mon échelle ressemble à un sacré chantier et si vous avez encore la force de m’écouter je crains bien vous avoir perdu au lieu de vous conduire, comme convenu avec mon échelle tendue, vers les nues !
Allons jusqu’à la révolution copernicienne – qu’à cela ne tienne ! Ne regarder plus l’échelle sous son aspect pratique ascensionnel, renversez votre point de vue : attention, l’échelle renversée -Copernic bascule – reste pratiquement identique à elle-même : encore doit-elle être droite, bien plus difficile est de la pratiquer lorsqu’elle est en v. (Copernic ta mère). Sur le côté encore, l’échelle, on pourrait la penser comme autant de hublots. Oui, vous êtes sur la voie : pensons les intervalles et non plus les barreaux. Car la forme prépondérante de l’échelle est le vide. C’est nécessaire et commode pour y insérer les pieds. Le vide donc. A l’échelle la plus petite, je veux dire la quantique, le vide règne en maitre. Le vide – pas le vrai, disons le monde des distances. Car à cette échelle du minuscule, l’onde devient particulaire si et seulement si, on la mesure. Imaginez un peu l’enfer si au moment de poser le pied sur le prochain barreau vous étiez obligé de sortir le mètre-ruban pour mesurer la barre où poser votre pied pour la rendre tangible ! Ces conditions de survie pousseraient l’homme à une main dominante superpuissante ! Une souplesse de nature à bricoler l’articulation de nos vertèbres ? Et là ne s’arrête pas le cauchemar du monde des nanoparticules : les voilà soumises à des paliers de formes – fixés par la fonction psi : 1 2 3 4 formes d’ondes : où le pied risque de se noyer.
Et ne me demandez pas pourquoi j’ai choisi cet univers là pour vous parler de l’échelle, j’aurais pu choisir le temps universel, les distances, la carte et le territoire mais, c’est sans doute son rang premier, pour dénombrer, pour tout compter, qui m’a attirée.
Isabelle Camarrieu