USCIRF, la Commission Etats-Unienne pour la Liberté de Religion à l’International, est une commission bipartisane du gouvernement américain dont le but est de « faire progresser la liberté de religion ou de conviction au niveau international, en évaluant de manière indépendante les menaces qui pèsent sur ce droit fondamental ».
Ce mois-ci, elle vient de publier un rapport intitulé « Problèmes de liberté de religion dans l’Union Européenne ». Le rapport commence par rappeler que si « l’Union européenne (UE) et nombre de ses États membres sont actifs dans la promotion de la liberté de religion à l’étranger (…) pourtant, certains pays de l’UE ont maintenu ou mis en œuvre des lois et des politiques qui restreignent les droits des groupes religieux minoritaires ou les affectent de manière discriminatoire. Ces politiques indûment restrictives ont pour effet secondaire d’encourager la discrimination au niveau sociétal. »
Et la France n’est pas en reste. Elle apparait dans quasiment tous les chapitres du rapport.
Liberté de religion et restrictions sur l’habillement religieux
Ça commence par les restrictions sur les vêtements religieux, qui contrairement à ce que l’on pense généralement, ne touchent pas uniquement les musulmans, même si « ces réglementations ont particulièrement un impact les femmes musulmanes. Par exemple, ces lois perpétuent l’idée que le port du foulard est contraire aux valeurs d’un pays européen et peut même représenter des idéologies “extrémistes” ou anti-occidentales. De plus, les restrictions sur les couvre-chefs sont souvent associées à une rhétorique appelant à la promotion de l’intégration ou de l’assimilation sociale – l’abandon des valeurs culturelles ou religieuses non européennes et l’adoption des valeurs culturelles européennes – ce qui contribue à l'”altérisation” et au sentiment anti-immigrant. En outre, la réglementation du hijab par l’État est souvent justifiée par le fait que les femmes musulmanes portent le hijab par force ou pression, ce qui nie la capacité des femmes à agir sur leurs croyances et leurs pratiques religieuses. »
Le rapport rappelle que ces restrictions touchent aussi les sikhs et les juifs, pour ne citer qu’eux.
Les restrictions « anti-sectes »
Le rapport décrit ensuite la politique « antisectes » de la France. Il stigmatise notamment la MIVILUDES (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires), qui « publie un rapport annuel qui dénigre régulièrement des groupes tels que les Témoins de Jéhovah et l’Église de Scientologie. » Il explique ensuite que « l’organisation [MIVILUDES] s’est associée à des agences gouvernementales, à des organisations religieuses et à la société civile pour les informer sur les soi-disant “sectes” et a suscité des réactions largement positives de la part des médias français, ce qui a eu un impact négatif sur le respect de la société pour les personnes associées à des organisations religieuses que la MIVILUDES qualifie de sectes. »
Le rapport ajoute que « La MIVILUDES a également financé diverses associations qui ciblent les organisations religieuses considérées comme des “sectes” nuisibles, notamment l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI) et le Centre contre les manipulations mentales (CCMM).»
Et sur ce volet, le rapport rappelle qu’en janvier 2023, la France a passé en catimini une loi très problématique qui « autorise les autorités à utiliser des techniques spéciales (…) pour enquêter sur les “sectes”, notamment par l’usurpation de l’identité d’un livreur, l’accès à distance aux communications électroniques et l’installation de dispositifs d’enregistrement dans des lieux ou des véhicules privés ou publics. »
Autres lois et politiques ayant un impact sur les musulmans
Le rapport explique que « plusieurs pays de l’UE ont adopté des lois ou se sont engagés dans des pratiques de lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et/ou l’islamisme qui ont des répercussions sur des activités protégées et non violentes. En particulier lorsqu’ils sont présentés dans le but concomitant de promouvoir les valeurs “nationales” ou “européennes”, ces efforts officiels peuvent conduire à la stigmatisation et à la discrimination des musulmans en donnant l’impression que leur religion est en contradiction avec ces valeurs, même si la législation ne mentionne pas spécifiquement les musulmans ou l’islam. »
L’exemple le plus parlant de ces lois, est la loi française sur le « séparatisme », qui a droit à deux longs paragraphes dans le rapport.
Autres politiques et actions sociétales ayant un impact sur les juifs
Extrait : « L’antisémitisme est généralement en hausse en Europe. Alors que de nombreux États membres de l’UE se sont engagés à lutter contre le fléau de la haine des juifs, les gouvernements maintiennent encore des politiques et prennent des mesures qui oppriment la vie juive et permettent à l’antisémitisme et à la haine de prospérer. Il n’est donc pas surprenant que les juifs expriment régulièrement le sentiment qu’ils doivent cacher leur identité juive. »
Pour illustrer cela, le rapport revient sur l’assassinat antisémite de Sarah Halimi en 2017, et sur le fait que son assassin n’a finalement jamais été condamné, puisque la justice a finalement décidé qu’il était inapte à être jugé car il avait été poussé à commettre son crime sous l’influence de la drogue.
Le rapport ajoute : « Récemment, la réaction des autorités françaises face aux meurtres de Juifs a été remise en question, notamment la qualification des crimes antisémites. Le 2 avril 2022, Jérémy Cohen, un homme juif, a été attaqué par un groupe de 15 personnes. En tentant de s’échapper, il s’est précipité sous un tramway en marche et a succombé à ses blessures. Il s’est avéré par la suite que Jérémy Cohen portait une kippa au moment de son agression, ce qui a incité certains à penser que les auteurs de l’agression étaient motivés par l’antisémitisme. Bien que deux personnes aient été emprisonnées pour cette agression, l’incident n’a pas été considéré comme antisémite. En mai 2022, René Hadjadj, un homme juif âgé, a été poussé de la fenêtre de son appartement par un voisin dans un acte qui n’a pas encore été considéré comme antisémite. En août 2022, un autre homme juif, Eliahou Haddad, a été assassiné à la hache par son colocataire. Les autorités n’ont pas jugé le meurtre antisémite, bien que l’assassin de Haddad ait admis avoir agi parce que ce dernier était juif. »
Conclusion
Dans sa conclusion, le rapport énonce que « si les pays de l’Union européenne disposent généralement de protections constitutionnelles et juridiques pour la liberté de religion ou de conviction, certains ont également adopté des lois et mené des politiques qui violent systématiquement la liberté de religion et ont un impact grave et disproportionné sur la capacité des minorités religieuses à vivre en accord avec leurs croyances. »
Bien sûr, les autorités françaises ne seront pas contentes d’un tel rapport. Il y a fort à parier qu’on nous dira que « nous n’avons pas de leçons à recevoir des Etats-Unis ». Eh bien si. Nous avons tous des leçons à recevoir. Les Etats-Unis en ont, et nous aussi. Et sur ce sujet, la liberté de religion, sans être parfaits, les Etats-Unis ont un train ou dix d’avance sur nous. Sur d’autres sujets, ils peuvent certainement être sermonnés, et on espérera dans ce cas qu’ils soient prêts à écouter. Donc espérons que nos « élites » au pouvoir auront un minimum de décence, à défaut d’humilité, et sauront ouvrir la voie à une amélioration, au lieu de s’enfoncer année après année dans plus de restrictions et moins d’efficacité, car les restrictions indues et les injustices sont à la source de toutes les émeutes et autres expressions de sentiments extrêmes, et sont toujours contre-productives.