En me promenant au marché de Noailles au centre de Marseille, j’aime goûter à l’arôme cosmopolite dont la saveur sucrée reste sur les papilles gustatives. Lors des escales dans la cité phocéenne, j’adore aussi aller écouter le clapotis des accents au niveau de la gare maritime face au quartier de la Joliette. Eau présente dans un œil, la Méditerranée dont la pupille est habillée d’une robe d’idiomes différents, un œil toujours ouvert sur l’autre, qui je l’espère ne sera jamais crevé. L’œil de cet être de monde flottant imprégné d’une nouvelle culture doit provoquer – je suppose dans l’esprit oriental ou occidental lorsqu’il arrive dans n’importe quel pays, dans n’importe quel port – un souffle aussi puissant que l’est le Mistral quand il fait mugir les falaises en s’engouffrant dans ses aspérités calcaires. Chez cet individu-là, c’est le nom d’un autre vent qui s’éjectera de sa bouche pour exprimer ce qu’il ressent, si poète il est.
S’il est syrien, il nommera le vent de ses émotions : « Chammal ».
S’il est issu de l’émigration italienne, il énoncera ce souffle : « Moroni ».
S’il vient d’Afrique du Nord, il s’exclamera : « Éléphana ».
Vous me comprendrez, certains moments d’errances sont l’occasion de créer des polaroids calligraphiques de mes observations au cours de déambulations éperdues et perdues dans les quartiers du centre de Marseille.
Si selon Serge Pey, « La bouche est une oreille qui voit », je diffuse souvent des paroles écrites dans les conduits auditifs d’un public lorsque mes mots, criés ou murmurés, chatouillent non pas du calcaire, mais la chair des oreilles des gens qui sont aux aguets des paroles.
En ces instants de contact avec le public, les phrases parcourent les tunnels de l’attention, volontairement. Peut-être en direction de l’Est, tel un Phocéen ayant franchi la galerie souterraine du Rove. Un Phocéen traversant la colline de la Nerthe à bord de sa péniche sur le canal se jetant ensuite dans l’étang de Berre. De là, il pourra s’il le désire cet être-monde-liquide, remonter le Rhône jusqu’à sa source, dans les eaux calmes du lac Léman.
Donc, si vous me suivez bien, Marseille aux milles reflets s’entrouvre parfois et par incertitude vers les sentes humides du monde de l’Est et pas forcément où on les situe.
Mattéo Vergnes