
Avertissement : ceci est bien entendu une fiction. Elle ne contient aucun premier degré. Cependant, son interprétation pourrait mener à des conclusions erronées. Si d’une quelconque manière vous puissiez imaginer qu’elle justifie un quelconque racisme, prière de relire en changeant de point de vue, car vous seriez passé à côté.
Ma chère maman,
J’espère que tu vas bien. Je sais que je ne t’ai pas écrit depuis que j’ai quitté la France pour rejoindre Kigali, et j’en suis désolé. Mais ces deux dernières années ont été très dures, voire bouleversantes pour moi, et je ne savais plus ce que je devais t’écrire, ni d’ailleurs si je devais écrire tout court.
Toi comme moi avions rêvé du Rwanda, et je me rappelle ta fierté quand je suis parti, sûr de trouver là-bas un avenir meilleur, et surtout de gagner suffisamment d’argent pour nous sortir du besoin, de la pauvreté et de notre condition. Mais maman, je préfère te le dire tout de suite, au risque de te décevoir ou de briser tes espoirs, la réalité est toute autre.
Oui, ici, le niveau de vie de la population est bien meilleur, comme presque partout en Afrique d’ailleurs. Tout est plus propre, les technologies employées sont bien au-dessus de tout ce que nous avons l’habitude d’utiliser chez nous, les villes sont d’une majesté à couper le souffle, la nature est préservée et florissante, le niveau d’éducation est incroyablement plus élevé qu’en France et il existe une abondance, une richesse, qui fait tourner la tête quand tu arrives. J’étais époustouflé, plein de rêves et très impressionné, enthousiaste et heureux. Ça n’a duré que quelques jours.
Racisme…
Parce que maman, je suis blanc. Et quelques soient tes bonnes intentions – tu m’as toujours élevé dans le respect des noirs et je sais combien c’est important pour toi – tu dois te rendre compte que nous les blancs, ne sommes pas considérés comme des égaux, loin s’en faut. Il existe chez les noirs, en tous cas au Rwanda mais j’imagine que le reste de l’Afrique est similaire, à en croire mes amis blancs qui ont émigré ailleurs, un racisme systémique qui étouffe toute tentative de réussite dans l’œuf, qui brise tous les rêves de l’homme blanc dans une broyeuse méprisante et déshumanisante.
Les africains ont beau, quand ils viennent en touristes chez nous, afficher une certaine bienveillance – non exempte de condescendance cependant – c’est tout à fait autre chose là-bas. Quand ils t’adressent la parole tu sens leur mépris te pénétrer jusque dans le profond de tes os. C’est à se demander s’ils te considèrent comme humain. J’exagère peut-être un peu, à cause de la rancœur que j’ai accumulée ces deux dernières années, mais ce qui est certain, c’est qu’ils te considèrent pour le moins comme inférieur. Ils pensent que jamais tu ne pourras les égaler en intelligence ou en sophistication, et te regardent comme le produit dégénéré de notre société occidentale pauvre et ruinée par toutes ces décennies de guerres, de corruption et de mauvaises décisions qui ont conduit à ce que nous sommes aujourd’hui. Un blanc ne sera jamais l’égal d’un noir dans leur esprit, j’en suis maintenant persuadé.
Quand je suis arrivé, je pensais trouver un travail décent, car tu le sais, grâce à toi, tes sacrifices et ta gentillesse, j’ai reçu une bonne éducation. Mais non, toutes les portes étaient fermées et mon ambition enthousiaste a été considérée comme de l’arrogance et très souvent avec un amusement méprisant. Les blancs n’ont droit qu’à des boulots de blanc, mal payés et sans perspective. J’ai voulu habiter dans des quartiers modernes et flamboyants, de ceux qui nous faisaient rêver quand nous les évoquions et que nous les regardions sur Internet. Mais les blancs n’y habitent pas et quand bien même j’aurais voulu dépenser toute ma paye (ridicule d’ailleurs) pour m’y installer, personne ne voulait me louer quoi que ce soit. Non, les blancs sont tous entassés dans le vieux Kigali, de l’autre côté d’une vallée frontière, dans des immeubles vétustes et sans panache, ou mouches et blattes nous disputent l’espace.
Et c’est triste à dire, mais nous sommes pauvres, aussi pauvres que nous l’étions en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne ou partout en Europe. Autant te dire que cela pousse beaucoup d’entre nous à la délinquance. Nos cités d’immeubles tristes sont le théâtre de tous les délits possibles et inimaginables. Beaucoup de blancs choisissent la facilité et tentent de s’en sortir en vendant des drogues – beaucoup d’acheteurs sont noirs d’ailleurs, comme quoi ils ne doivent pas être si heureux que ça – d’autres volent, escroquent, et parfois tuent en espérant survivre. Certains sont même devenus riches à force de méfaits, mais ce n’est pas une vie. Je ne leur jette pas la pierre. Être blanc est un tel handicap que seul un saint pourrait rester honnête. Quoique je crois qu’il existe une autre voie et c’est celle que j’ai choisie.
J’ai eu la chance d’avoir une éducation, grâce à toi je le dis encore, et je sais que je peux changer les choses. Je sais maman que tu n’aimes pas ceux qui font de la politique, et qui se rebellent contre « l’ordre établi ». Tu voulais que je réussisse, et que je sois un bon fils, dont tu pourrais être fier. J’aurais tant voulu que le monde soit ainsi et que je puisse t’apporter le bonheur auquel tu as droit. Mais il faut regarder les choses en face, maman. Ce bonheur est réservé aux noirs.
Notre blanchitude est une force et nous devons en être fiers. Avant que la chance ne tourne, nous avons été les moteurs de la civilisation, nous avons une histoire dont nous pouvons, dont nous devons nous enorgueillir. Même si les manuels d’histoire n’en font plus état, nous sommes une race de génies, et nos cultures ont connu des apogées qui n’ont dû leur déclin qu’à l’appât du gain de certains corrompus, qui d’ailleurs ne se sont pas gênés pour faire alliance avec l’oppresseur africain quand celui-ci a gagné en puissance.
Après quelques mois à subir les affronts les plus humiliants, après avoir vu mes rêves, et tes rêves maman, être démolis et éteints par la réalité africaine, ma conscience politique s’est éveillée. Elle a été et est toujours mon dernier rempart face à l’oppression des noirs dominants et leur racisme. J’en ai eu assez d’être jugé à l’aune de ma couleur de peau. J’ai vu des blancs se faire tabasser à mort juste parce qu’ils étaient blancs. J’ai vu la pauvreté de nos cités et les rires sarcastiques des noirs qui disaient « les blancs sont tellement sales que leur odeur est gênante à plusieurs kilomètres ». J’ai vu des noirs stupides et tellement moins compétents que moi obtenir des postes bien rémunérés, tandis que je devais les remercier pour m’offrir un travail de manutentionnaire payé des clopinettes, qui me brisait le dos et brulait ma jeunesse.
Mais il y a de l’espoir maman. Nous sommes nombreux à avoir mis nos forces et nos intelligences en commun pour changer les choses. Nous sommes blancs et nous en sommes fiers. Nous sommes les descendants d’une race géniale et héritière d’une histoire humaine riche d’une culture qui n’a jamais été égalée. Et nous devons reprendre, par la force ou par l’intelligence, la place qui est la nôtre dans la société moderne, et mettre fin au racisme des noirs et à leur oppression dévalorisante et suprémaciste.
Ne crois pas cependant que je pense que tous les noirs sont racistes. Même si leur éducation, qu’elle vienne de leurs parents ou de la société africaine, les a faits racistes, certains ont su s’en défaire, se déconstruire et ont même aujourd’hui rejoint nos rangs pour mettre à bas leur suprémacisme et défaire les chaines qui nous maintiennent au sol. Je ne parle pas des noirs que l’on trouve dans ces cafés branchés de Kigali où la mixité raciale est à la mode, servant de faire-valoir à quelques noirs en quête d’exotisme, pour qu’ils puissent dire à leurs amis « je ne suis pas raciste, je fréquente des blancs » – surtout le week-end soit dit en passant – ou « mon boy-friend est un blanc », « ma copine est blanche », ce qui me répugne.
Non, je parle de noirs dont la conscience politique s’est éveillée aussi, comme pour moi, et comme pour mes frères blancs qui ont choisi de ne devenir ni complices, ni délinquants, ni victimes consentantes. Ces noirs, aussi nombreux (ou peu nombreux, c’est selon) qu’ils soient, sont méprisés par beaucoup des leurs. On les voit comme des traitres, ou comme des hurluberlus. Ils subissent même parfois les mêmes vilénies que nous, voire se font rouer de coups par la police nègre lorsque nous manifestons. Mais ils tiennent bon et ce sont de vrais frères de lutte dans notre combat contre le racisme.
Que faisons-nous maman ? Rien de bien répréhensible. Rien dont tu aies à rougir. Nous écrivons, nous manifestons, nous résistons, nous parlons, quelle que soit la répression qui s’abat sur nous chaque jour que Dieu fait. Nous avons des objectifs, et quel que soit le temps que cela prendra, nous les atteindrons. Il ne suffira pas que les noirs s’adaptent et finissent par nous accepter. Ils devront faire amende honorable. Ils devront se déconstruire et reconnaitre leurs fautes. Nous ne les pardonnerons pas si facilement qu’il leur suffirait de dire « j’ai changé ». Ils devront extirper de leurs consciences collective et personnelles les germes du racisme qu’ils ont portées pendant si longtemps, et ce sera certainement douloureux. Ils devront payer pour tous ces blancs qui sont morts sous leurs coups, ou sous leur indifférence complice et coupable.
Les noirs devront extirper de leur littérature abjecte les références à la supériorité de leur race, les moqueries et satires avilissantes dont ils ont été si friands pendant tant de temps. Il faudra punir l’emploi de termes comme « blanchâtre », « rose clair », « palot », « mundele », « blafwé », « blanc-bec », « oreille rouge », « toubab » et autres sobriquets stigmatisants qui habitent leurs bouches, leurs têtes et leurs doigts lorsqu’ils frappent leurs claviers racistes et arrogants. Il nous faudra jeter au feu leurs films ignobles dans lesquels les blancs sont les esclaves des noirs, et pour lesquels ils se battront, au nom de la « vérité historique », du « patrimoine culturel » ou toute autre justification nauséabonde de leurs crimes. Car toutes ces choses appellent à la haine du blanc, à son asservissement, et contribuent au maintien du statu quo en enfonçant sournoisement dans la tête des noirs – et des blancs soumis – les concepts antiblancs de leur idéologie immonde.
Demain encore j’irai manifester. Notre rassemblement sera interdit, comme à l’accoutumé, et ils enverront leur police pour nous écraser comme des parias, comme des indésirables, des nuisibles. Certains d’entre nous mourront peut-être, d’autres seront blessés. Oui, ça arrive tout le temps maman. Ils disent que ce sont des accidents, que nous sommes responsables parce que les policiers ne font que se défendre contre notre violence. Leur propagande n’a aucune limite et ne connait pas l’autocritique. C’est certainement le prix à payer pour la liberté. Cela ne nous arrête pas. Et chaque jour, nous gagnons du terrain, face à l’oppresseur africain, pour la fin du racisme, pour la libération du peuple blanc, contre le statu quo qui nous rend esclaves et bêtes de somme.
Je sais que tu ne m’approuves pas maman. Mais tu n’as pas connu ce que j’ai connu, et ta génération n’a pas eu l’opportunité de prendre conscience de sa blanchitude comme d’une force à développer et à chérir. Nous nous battons pour vous aussi, pour donner un sens à vos sacrifices, pour honorer votre mémoire et ce que vous nous avez donné, à la sueur de vos fronts et de vos cœurs. L’avenir dira si nous avons eu raison. Mais je rêve d’un monde où le blanc ne sera plus un sous-être, et où ses droits seront les mêmes que ceux des noirs, en pratique et pas seulement sur le papier, au-delà des mensonges des lois africaines qui prétendent à l’universalisme et ne sont appliquées que lorsque les noirs y gagnent.
J’arrête ici, en espérant de ne pas t’avoir déçue trop profondément. Je ne peux pas t’envoyer d’argent, parce que je n’en ai pas. J’espère que tu t’en sors et que la vie n’est pas trop dure. Aujourd’hui, j’aimerais bien revenir en France, à tes côtés. Mais je me dois à une cause qui est plus grande que moi. Et peut-être un jour, tu me rejoindras au Rwanda, dans une société qui ne sera plus raciste, qui offrira aux blancs les mêmes chances qu’aux noirs, et dans laquelle nous pourrons vivre décemment, rien que ça. Mais pour cela, il faut mener la lutte jusqu’à sa réussite.
Je pense à toi maman. Je t’aime. Embrasse mes frères et sœurs, je pense beaucoup à eux aussi.
Alexandre