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Goat’s Head Soup… Après un album extraordinaire comme Exile On Main Street et une tournée phénoménale comme celle de 1972 à travers l’Amérique, il n’est pas aisé de surenchérir. Jamais les Stones n’avaient atteint de tels sommets. Mick Jagger, à la fin de la tournée, examinant l’oeuvre accomplie, aura cette pensée : “Merde. On a déjà tout accompli”
Vient le temps des flottements. Impossible de faire mieux dans le même genre alors il faut trouver de nouvelles directions et c’est difficile. Cette hésitation entre une nouvelle direction improbable et une répétition de l’oeuvre déjà accomplie va nous donner un album entre les deux, où l’utilisation experte de gimmicks éprouvés le dispute à des explorations curieuses. Comme une forme de conservatisme qui s’autoriserait quelques fantaisies. Après cinq albums, tous des chefs d’oeuvre, dont le suivant est encore meilleur que le précédent, il semble que la manne commence à s’épuiser. Mais le savoir-faire reste.
Goat’s Head Soup: un son à part
L’idée d’enregistrer dans un studio jamaïcain dévolu au Reggae vient de Keith Richards. Il a découvert depuis plusieurs années cette musique, à l’époque totalement inconnue en Occident, et le son “organique” obtenu dans ces studios le branche énormément. Et effectivement, Goat’s Head Soup aura un son à part dans le parcours des Stones. Son côté album charnière tient également au fait que leur producteur, Jimmy Miller, est devenu complètement accro à l’héroïne et beaucoup moins à même d’assumer sa fonction. Les Stones se sépareront de lui après cet album.
Charlie Watts : “c’est curieux, les gens fréquentent Keith, veulent tout faire comme lui et essaient de “devenir Keith” mais ils n’y arrivent pas, alors ils s’écroulent.”
Mick Jagger : “il y a comme ça des producteurs ou des ingénieurs du son qui croient que le bon truc à faire est de plonger dans les drogues. Je peux vous dire que ce n’est pas le truc à faire en ce qui les concerne, pas du tout (rires).”
Les morceaux
Dancing With Mr D :
Doo Doo Doo Doo Doo (Heartbreaker) : un fait divers de l’époque : un jeune noir est abattu par les policiers qui “croyaient” qu’il avait un revolver, revolver que personne n’a jamais trouvé. La musique est magnifique. J’ai déjà écrit un article sur cette chanson. Pour le consulter :
La chanson :
Angie : LA chanson par laquelle beaucoup de français ont découvert l’existence des Rolling Stones en 1973. L’histoire triste d’un couple déchiré par les problèmes matériels et qui finit par se séparer.
Silver Train : un beau festival de guitares.
Hide Your Love : une curiosité. Las d’attendre Keith à une séance, les deux Mick, Jagger et Taylor, se mettent à improviser un blues et le résultat est plus que convaincant. Mick Taylor y délivre deux de ses meilleurs solos.
Star Star : Starfucker, de son vrai nom (baiseuse de stars). Cette histoire d’une groupie qui aligne les célébrités à son tableau de chasse est bien dans la lignée de ces coups de force “shocking” auxquels les Stones sont habitués. La musique est un vrai festival de guitares à la Chuck Berry. Tout à fait savoureux ! Mick Taylor fait la guitare rythmique à gauche et Keith Richards la “guitare solo d’accompagnement” sur la droite. On peut dire que ce dernier connait le style de Chuck sur le bout des doigts : tout en restant dans le même genre de riffs tout au long de la chanson, il paraphrase à l’infini un thème simple en lui donnant de subtiles variations. Il fait également un solo éblouissant au milieu du morceau. Une particularité curieuse de cette chanson : tout le monde commence au début, sauf la basse qui n’entre qu’au deuxième couplet avec le piano.
Brussels Affair
Vu que Keith Richards ne peut entrer sur le sol français à cause des affaires de drogues à Nellcôte, les Stones feront plusieurs concerts à Bruxelles. RTL a affrété un train spécial Paris-Bruxelles pour acheminer les fans français. Le jour du concert, les Stones ont bouffé du lion : les morceaux sont joués à un train d’enfer et sont d’une qualité d’interprétation remarquable. Probablement le meilleur live des Stones. Mick Taylor y atteint des niveaux de lyrisme de haut vol et Keith Richards prouve une fois de plus qu’il est le meilleur guitariste rythmique du Rock ‘n’ Roll. Pas sorti à l’époque, le live Brussels Affair restera mythique pendant des décennies jusqu’à ce qu’il sorte ces dernières années en coffret collector. On peut également le trouver dans la version 2020 Deluxe de l’album Goat’s Head Soup. Tous les morceaux y sont mémorables et particulièrement ce qui restera sans doute la meilleure version live de Midnight Rambler. Jamais les Stones et plus spécialement Keith Richards et Mick Taylor n’auront aussi bien joué ce morceau, jusque que dans ses moindres détails. Une écoute passionnante tout du long :
La prochaine fois : l’album It’s Only Rock ‘n’ Roll – FINAL