La théorie de la dissuasion nucléaire est une doctrine militaire fondée sur l’idée qu’en amassant une certaine capacité de frappe nucléaire, on dissuade un potentiel ennemi d’utiliser ses propres armes atomiques, voire même d’attaquer un pays qui posséderait la bombe atomique (ce qui s’est déjà révélé faux, puisque qu’en 1983, l’arsenal nucléaire de la Grande-Bretagne n’a pas empêché l’Argentine d’envahir les Malouines). C’est une théorie née à l’époque de la guerre froide. Elle est stupide et dangereuse, et c’est même peut-être la pire théorie que l’humanité ait connue depuis le début de son existence sur terre.
Suffisamment d’armes atomiques pour détruire plusieurs fois toute vie sur notre petite planète
Neuf pays possèdent aujourd’hui l’arme nucléaire. Les États-Unis et la Russie possèdent 90% de l’arsenal. Les autres sont la France, la Chine, la Corée du Nord, Israël (qui ne reconnaît pas officiellement la posséder), l’Inde, le Pakistan et le Royaume-Uni. Ces pays possèdent suffisamment d’armes atomiques pour détruire plusieurs fois toute vie sur notre petite planète (à l’exception peut-être des scorpions, connus pour leur résistance à la radioactivité). Le seul État à avoir possédé l’arme nucléaire et à s’en être débarrassé est l’Afrique du Sud, à la fin de l’Apartheid.
Pourquoi est-ce une théorie stupide ? Parce qu’elle se fonde sur un pari dont personne ne peut garantir le résultat, et qu’elle a mené à la prolifération nucléaire que l’on connaît aujourd’hui. Si un seul pays décidait d’employer l’arme atomique, la vie pourrait disparaître sur Terre. Il faudrait une confiance bien aveugle en nos gouvernants pour penser que ceci ne pourrait se produire.
Seul le psychopathe y gagne
Aujourd’hui, l’unique raison pour laquelle la guerre menée par les Russes contre l’Ukraine n’est pas terminée, malgré son caractère criminel et génocidaire, c’est la théorie de la dissuasion nucléaire. Si personne ne disposait de l’arme nucléaire, la partie serait jouée. Les alliés de l’Ukraine, OTAN ou pas OTAN, auraient envoyé leurs troupes sur place, auraient bouté Poutine hors d’Ukraine et la guerre serait terminée. Si cela ne se produit pas, c’est parce que Vladimir agite la menace atomique, et que personne ne peut garantir qu’il ne mettra pas sa menace à exécution.
Même ainsi, personne n’est vraiment sûr que Poutine n’utilisera pas l’arme nucléaire. Il pourrait trouver un prétexte (il trouve toujours de très fallacieux prétextes pour justifier ses inanités meurtrières) et lâcher des bombes atomiques « tactiques » (c’est-à-dire moins puissantes que les plus puissantes d’entre elles) sur l’Ukraine, et il est très difficile de prédire quelle serait alors la réponse des puissances occidentales.
Quoi qu’il en soit, la dissuasion nucléaire est la théorie ou tout le monde perd. Comme nous le montre l’actualité, le seul « gagnant » est le psychopathe. Celui dont on a peur parce qu’il est fou. Pire encore, les psychopathes sont bien souvent suicidaires. Peu leur importe de voir leur propre pays détruit et leur population exterminée. Et bien entendu, le jour où cela arrivera, il sera trop tard pour pleurer sur une fausse théorie.
Une théorie qui crée des Etats criminels
En France, c’est le Président De Gaulle qui a choisi d’entamer un programme de dotation de l’arme nucléaire. Ce ne fut pas la plus brillante idée de ce pourtant grand chef d’État. Aujourd’hui, face à la menace russe, notre gouvernement annonce qu’il va renforcer notre capacité de frappes nucléaires. C’est la mauvaise réponse à un vrai problème. Plus il y a d’armes nucléaires sur terre, plus il y a de risques qu’elles explosent un jour, et la planète avec. Tous nos programmes de recherche militaire relatifs à l’armement nucléaire et leurs financements devraient être menés en direction de la découverte de moyens de réduire à néant les effets des armes atomiques et d’en protéger la population.
Les conventions de Genève régulant le droit humanitaire international, considèrent comme crime de guerre le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu. Tout emploi d’une arme atomique moderne entrerait dans ce cadre. Ce qui signifie que nos pays se sont dotés intentionnellement des armes qui leur permettraient de devenir des États criminels.
Il faut donc radicalement changer le paradigme, et avoir le courage, sans pour autant glisser dans un angélisme impraticable, d’en finir avec la théorie stupide de la dissuasion nucléaire.
Réformer l’ONU
L’ONU, si elle était réformée et transformée, pourrait être la solution. Il faudrait tout d’abord rendre illégal le fait d’agrandir l’arsenal nucléaire actuel. Il faudrait établir un système de sanctions internationales puissantes, et certainement économiques, à l’égard des récalcitrants. Après avoir mis fin au pouvoir de veto des grandes puissances membres permanents du Conseil de Sécurité, il faudrait donner à l’ONU un réel pouvoir contraignant, dans les domaines de sa compétence. Il faudrait créer en son sein un organisme indépendant de tout pays, auquel on remettrait l’ensemble des arsenaux nucléaires de tous les États. Encore une fois, les récalcitrants devraient être farouchement sanctionnés, avec une force qui dépasse de loin les sanctions actuelles employées contre la Russie.
L’emploi de l’arme atomique devrait être expressément et strictement interdit et l’ONU pourrait intervenir en cas de violation de cet interdit. Tout dirigeant donnant des instructions contraires devrait pouvoir être poursuivi pénalement devant des instances internationales dont la compétence ne devrait pas pouvoir être limitée par une non-ratification de traités. Parce que nous parlons d’actes criminels pouvant mettre en péril la survie de l’humanité. On ne demande pas à un criminel son accord avant de le présenter à la justice.
Une utopie ?
Bien sûr tout cela semble bien utopique. Mais il n’y a pas d’autre chemin vers la sécurité planétaire et pas d’autre chemin vers la paix mondiale. Cela va demander de nombreuses tractations, de nombreuses décisions pour réformer le système onusien, un courage et une détermination sans faille, un changement de vision bien au-delà de ce à quoi nos dirigeants sont habitués. Mais cela en vaut la peine. La paix est possible. Mais surtout, la survie de l’humanité n’est pas un objectif mineur : c’est le plus vital de tous les objectifs et tout le reste repose sur lui. S’il n’était pas atteint, il ne resterait plus sur terre que la république des scorpions, et on m’a fait savoir qu’elle n’était pas très fun, cette république.