La séparation entre Âme et Nature est une des grandes plaies de notre civilisation. Certains auteurs en font remonter l’origine culturelle à l’Ancien Testament qui proclame que seul l’Homme a été créé à l’image de Dieu et qui l’exhorte à dominer la planète. Depuis, le fossé n’a cessé d’augmenter jusqu’à nous amener à la situation tragique que nous connaissons actuellement et qui met en péril la survie de la planète entière.
Une conscience participative
Le discours écologique, malgré son contenu de vérité, est encore trop «froid» et ne permet pas de combler cette distance ni de primer sur les tendances destructrices liées à l’exploitation des ressources et au profit, moteur du soi-disant «progrès». Pour parvenir à combler la distance il s’avère nécessaire de renouer avec cette conscience participative à la Nature qui se trouve au cœur des systèmes animistes et qui s’exprime par exemple dans la sagesse des indiens d’Amérique et des aborigènes australiens. Car c’est seulement quand l’homme moderne changera de cosmovision et retrouvera la perception de faire intégralement partie de la Nature jusque dans son âme profonde, qu’il pourra enfin vivre en harmonie avec la planète.
Nul doute que certains instruments de pensée et certaines technologies constituent de précieux alliés dans la démarche pour sauver la biosphère. La science des systèmes complexes, par exemple, offre des modèles efficaces. Un de ses principes de bases affirme que le partage de règles simples par chaque élément d’un même système rend ce dernier intelligent, ordonné. Ainsi s’explique par exemple le vol synchronisé (la murmuration – ndlr) donnant aux oiseaux l’aspect d’un corps unique d’une extraordinaire beauté. Les propositions de ce Manifeste ont la même fonction. Mais le degré de complexité de la société humaine n’a pas d’équivalent dans la Nature et c’est par le biais de l’exemple que toutes ces suggestions et d’autres encore pourront s’avérer réellement opérationnelles et efficaces. Le pouvoir de l’exemple va au-delà des automatismes comme des discours, il stimule l’identification et donc la transformation profonde de l’individu comme du corps collectif. Certes, il est profondément triste et même révoltant de se reconnaître «sujet consommateur», c’est à dire de se voir considéré avant tout pour son portefeuille.
Toutefois, cette prise de conscience, nécessairement douloureuse, nous lègue un énorme pouvoir: si chacun assumait son statut de consommateur et l’utilisait de manière éthique et intelligente, l’économie entière s’en trouverait sensiblement et rapidement améliorée. De choix éthique en choix éthique, la masse informe des consommateurs compulsifs que nous sommes plus ou moins se transformerait en un corps ordonné et intelligent, comme la volée d’oiseaux citée précédemment. Des cercles vertueux pourraient alors émerger, liés par exemple à la reprise d’une agriculture paysanne, aux activités artisanales, au développement des produits bios et autres labels bénéfiques pour la santé des individus et de la planète entière.
Les résistances du système
Mais il est raisonnable de s’attendre à de coriaces résistances de la part du système et de ses émissaires afin de préserver le statu quo, comme par exemple l’activation de stratégies médiatiques toujours plus poussées et subtiles ou encore la fomentation de nouvelles guerres pour,«faire repartir l’économie». Pour ne pas tomber dans ce piège il nous faut d’abord conserver une vision claire de la situation, du but à atteindre et de la direction à suivre, un peu comme ferait un capitaine pour guider son navire sur une mer en tempête. Ce Manifeste se propose simplement de fonctionner comme une boussole indiquant les grandes lignes à suivre.
Le premier grand pas à opérer est lié à la prise de conscience de notre état de possession par le système économique. Ce système est basé sur le PNB, un indice obsolète devenu un authentique tabou qu’aucune nation n’ose remettre véritablement en question. Cet indice prévoit une croissance exponentielle dont l’appétit vorace semble destiné à détruire les ressources planétaires en l’espace de quelques décennies et à mener la race humaine à l’extinction.
Une approche psycho-animiste
L’approche psycho-animiste a démontré l’existence d’un lien intime entre Psyché et Nature en vertu duquel la destruction de l’environnement naturel produit nécessairement un malaise psychique et social profond. Nature et Psyché sont nées ensemble et demeurent forcément liées, du moins au niveau inconscient. Ce n’est pas un hasard si tous les grands symboles de l’inconscient collectif renvoient au monde naturel. Que l’on pense par exemple à l’Ouroboros, au Soleil et à la Lune, à la Grotte, au Fleuve, à la Mer, à l’arbre cosmique, à la pierre philosophale, à l’animal sauvage… La destruction de la Nature, support symbolique et évocateur de l’inconscient, crée un vide de forme délétère, une sorte d’«anamorphisme psychique» qui complique et peut même empêcher tout contact avec l’âme profonde. Ainsi, la récupération du sentiment d’harmonie avec la Nature par la fréquentation respectueuse et quotidienne de ses lieux plus suggestifs et de ses entités symboliques.
La voie de la libération et du changement s’articule en un ensemble de règles fondamentales dont:
1. Consommer des produits locaux ou du moins nationaux, en tout cas naturels, bios et de saison.
2. Choisir des marchandises dont la production est liée à des efforts éthiques certifiés, aussi bien du point de vue des droits des travailleurs que du respect de l’environnement.
3. Boycotter l’usage de matériaux plastiques et privilégier les matériaux biodégradables et récupérables.
4. Réaliser son propre potager et verger sans utiliser de produit chimique.
5. Boycotter les produits OGM, de l’agriculture industrielle et de la zootechnie.
6. Encourager les réseaux d’échanges et réduire le plus possible l’usage de l’argent.
7. En général dépasser la logique consumériste en réparant plutôt qu’en jetant.
8. Privilégier les transports en commun, la bicyclette et le méthane comme carburant et source d’énergie thermique.
9. Soutenir les politiques visant la décroissance et la substitution du PNB par d’autres indices tenant compte des valeurs non monnayables.
10. Revenir aux campagnes, préserver les forêts, la biodiversité et les lieux naturels favorisant la rencontre avec l’âme.
Antoine Fratini
Association Nature & Psyché
http://naturaepsiche.jimdo.com/
Paru initialement dans le n°21 de Rebelle(s) en novembre 2019