A l’heure du ras-le-bol mondial contre les dirigeants du monde, il est bon de rappeler que le nouveau fascisme qui émerge n’est plus le monopole des vieux partis politiques d’extrême droite et qu’il émane plus subtilement des multinationales et des organismes bancaires.
L’ère du numérique nous promet sans cesse une pléthore de possibilités nouvelles qui prétendent améliorer la circulation de l’information, renforcer les liens entre les hommes, permettre l’épanouissement personnel. Et pourtant, jamais nous n’avons été aussi performants pour inventer des dispositifs fascistes qui empêchent précisément la libération de l’orgone (énergie vitale) et consolident nos cuirasses caractérielles selon la belle terminologie reichienne. Négation de la personne et violence institutionnelle (État, école, hôpital, entreprise, etc.) contre les démunis, les dégénérés, les sans-dents, les classes pauvres et moyennes sont les pendants d’une fascisation nouvelle de la vie quotidienne qui n’est pas sans rappeler certaines dystopies à l’instar de 1984 de Georges Orwell ou le Neuromancien de William Gibson (père du cyberpunk).
Pièges anti-sdf
Le mobilier urbain anti-sdf est très à la mode pour de nombreuses entreprises et banques qui ont un sens très ouvert de l’hospitalité. Craignant pour la sécurité de leurs clients, ils font preuve d’inventivité redoutable pour empêcher les démunis de squatter le trottoir ou les bouches d’aération. À la veille de Noël, la municipalité d’Angoulême a eu ainsi la bonne de grillager les bancs publics. Dans l’entrée de certains immeubles parisiens, on trouve de jolis bacs remplis de cactus dont le prétexte décoratif sert surtout à dissuader les sans-abris. Moins esthétique, l’usage de pics ou de plots tout autour des banques et grandes enseignes commerciales est tout aussi dissuasif. Dans le métro parisien, on a créé des bancs inclinés avec des accoudoirs très inconfortables pour ceux qui veulent roupiller. Nos amis ricains, quant à eux, ne veulent plus s’emmerder à acheter du mobilier anti-sdf, ils préfèrent faire voter des lois où l’on interdit carrément de dormir dans la rue comme dans la ville de Santa Cruz en Californie.
Sanctionner les chômeurs
Au nom d’une logique de justice, le macronisme, idéologie de l’individualisme béat et mondain, n’hésite pas à assumer des sanctions sévères envers les chômeurs associés volontiers à des assistés paresseux et profiteurs. Aujourd’hui, dès l’instant où un chômeur manque un rendez-vous chez Pôle Emploi ou ne parvient pas à renvoyer à temps un justificatif, il sera désormais considéré comme un assisté qui ne remplit pas son contrat envers la société française et sera ipso facto radié selon une période prédéterminée. En somme, tout manquement sera sanctionné par une suppression de l’allocation. Très belle initiative pour encourager les chômeurs à retrouver du travail quand on sait aussi la complexité du mille-feuille administratif de Pôle Emploi. Cette année 2019 risque donc de voir un nombre croissant de radiations. Pôle Emploi devient une agence de contrôle et il est certain qu’avec un tel procédé les chiffres du chômage devraient baisser. Vive le macronisme !
Un système de notation des citoyens
S’appuyant sur le contrôle des données numériques et la biométrie, le gouvernement chinois a mis en place un super moyen pour contrôler sa population gigantesque. Le rythme de la vie quotidienne des Chinois se fera désormais avec une note sociale attribuée par le gouvernement. Le citoyen gagnera des bons points s’il achète et consomme des produits chinois, s’il valorise l’économie nationale sur le net, s’il est courtois sur les sites de rencontre, etc. Par contre, il perd des points s’il exprime des opinions dissidentes, s’il ne respecte pas le code de la route, s’il achète des produits étrangers, s’il s’endort sur un banc public, etc. La note sociale aura un impact direct par exemple sur l’achat des billets de train ou d’avion. Une mauvaise note sociale vous empêchera d’avoir accès aux billetteries. Mais cette note sociale sera également déterminante concernant les services de l’État comme l’accès aux logements ou aux soins. Pour évaluer la note sociale, le gouvernement chinois se donne le droit de contrôler tous vos faits et gestes sur Internet mais aussi dans la rue grâce à la vidéo-surveillance et à la reconnaissance faciale. Les nouveaux dispositifs fascistes ne manquent pas et la liste semble bien longue : de la récupération de vos données personnelles par les grands magasins grâce au système de la carte de fidélité ou encore des applications numériques qui vont jusqu’à penser à votre place et vous dire ce que vous devez faire au quotidien (achats, exercices physiques, etc.) jusqu’aux sanctions de la RATP quand vous avez oublié par négligence et manquement de valider votre pass Navigo, il y aurait de quoi dresser un état des lieux vertigineux.
Frédéric Vincent