Notre époque est indéniablement dominée par un imaginaire héroïque qui fait la part belle aux super-pouvoirs. Il suffit de songer à la force herculéenne d’un Thor ou d’un Hulk, au pouvoir de télépathie du professeur X, au facteur guérisseur de Wolverine, au « sens d’araignée » de Spiderman ou encore à l’élasticité de Mr Fantastique. Les supers pouvoirs de nos super-héros des temps postmodernes ont suscité beaucoup de commentaires et de débats dans la communauté scientifique. Ceci étant, il y a un autre sujet qui nous semble tout aussi prometteur pour de futures études sociologiques et psychologiques, c’est la symbolique des super héros. Ne vous êtes- vous jamais interrogé sur le sens symbolique du bouclier de Captain America, de l’arc de l’Archer Vert ou encore du masque de Batman ?
Captain America et son bouclier vengeur
Pourrait-on imaginer un seul instant Captain America sans son bouclier ? Assurément, non. Le bouclier composé d’un alliage d’acier et de vibranium (métal imaginaire) est indissociable du personnage de Steve Rogers crée par Jack Kirby et Joe Simon. Le premier numéro sort en décembre 1940 et révèle une couverture visionnaire. En effet, l’image présente Captain America armé de son bouclier en train de mettre une raclée magistrale à Hitler. Lorsque l’on sait que les États-Unis ne sont entrés en guerre contre le troisième Reich qu’en décembre 1941 (après Pearl Harbor), on peut se dire alors que la couverture du premier Captain America donne quelques éléments sur l’inconscient américain du moment. Le désir américain d’entrer en guerre est bien antérieur à l’attaque de la base navale de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. En ce sens, le geste de Captain America en témoigne. Il est le héros qui peut mettre un terme à la menace nazie. Cependant, le bouclier qu’il porte possède un sens symbolique plus complexe que le simple désir schizomorphe de trancher la tête du monstre (Hitler) qui symbolise la peur inconsciente d’être envahi et dévoré. Le bouclier traduit un désir de protection. Rappelons que les plus anciens boucliers grecs étaient conçus à partir de peau de chèvre (en grec ancien aigis qui donnera égide en français). Le bouclier renvoie bien souvent à la protection divine. L’expression française « sous l’égide de » est donc ici significative puisqu’il s’agit bien d’être sous la protection divine d’un bouclier. C’est grâce au bouclier d’Athéna que Persée parvient à éradiquer la Gorgone, figure par excellence du monstre. Captain America armé de son bouclier explique donc le désir inconscient de recourir à une protection divine ou mythique afin d’annihiler le sentiment de peur lié au monstre nazi.
L’Archer Vert et les flèches du dépassement
Dans le comics d’origine, Oliver Queen alias Green Arrow (Archer Vert), un riche play-boy échoue sur une île hostile où il va devoir, survivre. Ceci n’est pas sans rappeler l’état déchu d’Adam et Ève dans la condition mortelle selon l’ancien testament. Oliver Queen en échouant sur cette île hostile perd en quelque sorte son identité, ce qu’il est dans la société des hommes. Pour retrouver cette identité, il va devoir survivre. Pour y parvenir, il va se doter d’un arc et apprendre à le manier. Sur le plan symbolique, l’arc est selon nombre de traditions ce qui permet d’entrer en contact avec le ciel. Un archer n’a d’autre but que l’ascension du ciel, le désir de retrouver
son état d’origine. Quant à la flèche, elle traduit le savoir rapide. « Flèche » provient du latin sagitta qui a la même racine que le verbe sagir signifiant « percevoir rapidement ». Le signe zodiacal du Sagittaire exprime selon les occultistes le désir de dépassement du stade animal. Le récit de l’Archer Vert révèle aussi ce besoin de dépasser la condition animale.
La part d’ombre de Batman
Batman est certainement de tous les personnages de l’univers DC Comics le plus sombre. Lorsque Bruce Wayne porte son masque de chauve-souris, il laisse son identité profane de riche milliardaire pour incarner un héros en quête de vengeance. Contrairement aux autres super héros, l’action héroïque de Batman est motivée par son passé douloureux, le traumatisme infantile de la perte de ses parents. La fonction du masque de chauve-souris est triple. Il est tout d’abord cathartique. Le masque que revêt Bruce Wayne exprime ses peurs infantiles. Comme on le sait, la catharsis est l’épuration des sentiments par une expression dramaturgique. En ce sens, Bruce Wayne se familiarise avec ses peurs infantiles, apprend à les apprivoiser. Le masque permet également d’effrayer ses ennemis. Il le protège donc. Deuxièmement, le masque possède une fonction identitaire. Il dévoile une identité plurielle mi-homme mi-animal. Enfin, il comprend une fonction motivationnelle. Il rappelle constamment à Bruce Wayne les raisons d’être de son combat contre les super vilains : le souvenir de l’assassinat de ses parents et le sentiment de culpabilité qui l’accompagne. C’est la culpabilité qui pousse notre héros à l’action, à la vengeance. Chaque super-héros porte en lui son lot de souffrances psychologiques mais présente en même temps des éléments symboliques permettant d’y remédier. Il y a toujours un héros qui sommeille en nous, un espoir de trouver des réponses à nos problèmes de vie.
Frédéric Vincent