Gérard Pommier demande un droit de réponse à l’article publié dans Le Point par Jacques-Alain Miller osant comparer Mélenchon à une… canaille. Ses argumentations? Que Jacques-Alain Miller parle pour lui. À entendre: il n’est pas la seule voix de la psychanalyse. À entendre: j’y suis aussi! En effet, qu’un article n’engage que son auteur est une évidence et le président de l’Association Mondiale de Psychanalyse ne se pose pas comme unique porte parole de la psychanalyse française ni de Lacan, même si de ce dernier il est assurément un des plus grands connaisseurs. Ce qui l’autorise à parler de ce dernier et même, s’il le désire, à lui attribuer des opinions hypothétiques sur un personnage politique actuel.
Personnellement, je ne suis fan de personne et ne milite dans aucune des associations présidées par ces deux auteurs, et au delà des opinions exprimées par JAM dans l’article en question, il me semble vraiment incroyable qu’un intellectuel de renom, psychanalyste qui plus est comme Pommier ne se rende pas compte qu’il tire ainsi sur la liberté de parole et d’opinion. Un sport qui me semble assez pratiqué aussi par une certaine gauche… Ceci peut expliquer pourquoi, toujours Pommier dans une newsletter de la Fondation Européenne pour la Psychanalyse, finit par associer JAM à la fachosphère. Or, ne pourrait-on pas avoir d’opinions négatives sur Mélenchon sans être facho ? Force est de constater que dans les médias ce dernier terme est le plus souvent utilisé comme insulte.
Alors, soyons psychanalyste jusqu’au bout, analysons nos propres discours. Voilà un droit de réponse qui ressemble plus, à mon humble avis, à une revendication. Car si n’importe qui peut répondre publiquement à un article exprimant des opinions sur un politique, le droit de réponse proprement dit est réservé au direct intéressé.
Maintenant, je ne dis pas que la démarche de Pommier puisse avoir d’autres raisons que l’ego, qu’elle puisse renvoyer également à un lien affectif et idéologique avec le représentant de La France Insoumise et qu’elle puisse même présenter des considérations pertinentes mais, que Pommier ne m’en veuille pas, j’aurais pour ma part tendance à considérer ces raisons comme secondaires.
L’histoire de la psychanalyse est pleine de guerres intestines entre egos. D’un certain point de vue, celles-ci ne sont pas forcément que négatives et se révèlent même parfois stimulantes. En tout cas elles alimentent un désir d’exister qui est souvent porteur de débats et d’œuvres appréciables. M’étant souvent plaint dans le passé du manque d’espace réservé aux psychanalystes dans les débats publics, je ne peux que me réjouir de les voir sortir toujours plus du milieu restreint de leurs cabinets. La psychanalyse n’est pas une technique, mais une science qui offre des clés de lecture particulièrement efficaces et originales, voire même révolutionnaires par rapport à la doxa dominante. On lui pardonnera donc ses petits défauts car il serait dommage de continuer à l’exclure des débats politiques et de société.
Une dernière considération, plus psychoanimiste cette fois : Pommier écrit ne « pas se reconnaître (comme lacanien) dans cette voix d’outre-tombe » portée par JAM, ce qui est tout à fait légitime de sa part. Mais qu’il se montre presque scandalisé du fait que Miller fasse parler Lacan l’est moins. En effet, l’anthropologie nous apprend que toutes les traditions accordent une grande importance aux défunts et à leurs esprits. Que nous, modernes, préférions nier l’existence réelle de ces derniers et les considérer comme de simples souvenirs ne change rien à cette force qui nous relie au passé et structure notre identité. En somme et en d’autres termes, qu’il y ait du Lacan dans Miller ne devrait guère surprendre.