Rebelles
Film de Allan Mauduit, 2019, avec Cécile de France, Audrey Lamy, Yolande Moreau et Simon Abkarian
Sorte de Thelma et Louise tout aussi déjanté mais optimiste, Rebelles met en scène trois filles de Boulogne-sur-Mer qui travaillent à l’usine. L’une d’elles, ex-Miss Nord-Pas-de-Calais, est dans le collimateur d’un chefaillon odieux. Il tente de la violer. Ça se passe très mal – pour lui. Les voilà avec un cadavre à écouler… et de l’argent sale à planquer.
Il y a dans ce film non pas un vrai propos social mais une mise en ambiance très Ressources humaines – travail à la chaîne, sortie d’usine, camping tristoune « bienvenue chez les pauvres » – et bien poisseuse. Poisseuse, c’est le cas de le dire, la jolie fille – Cécile de France, formidable – débarquant chez sa mère après s’être enfuie de chez son ex qui la tabassait trouve un boulot dans une conserverie de poisson, « La Belle Mer »… Avec de vrais morceaux de détresse dedans. Bien tassé au début.
Mais on n’est pas chez Ken Loach, la thèse n’est pas sociale. Il n’y en d’ailleurs pas : l’ouvrage est avant tout un film d’action ultra-violent, doublé d’une comédie à la fois poignante et hilarante. Alternance de cadrages en scope et courtes focales, s’y glisse aussi du western baroque à la Sergio Leone. Des accents de musique inspirée d’Ennio Morricone ponctuent de nombreuses scènes montées en staccato déchaîné.
Truffé de rebondissements avec changements de pied permanents, Rebelles est une alternance de situations gagnées-perdues pour des filles autant maladroites sans cervelle que géniales dans l’improvisation. Audrey Lamy en mère fofolle et énervée y est pour beaucoup. Yolande Moreau apporte sa douceur de mamma ch’ti à fusil à canon scié. Comme dans Lock, Stock and Two Smoking Barrels*, ça défouraille sec et les méchants se font tous flinguer. In fine, ne restent plus que les « gentilles », sidérées de s’en être tirées sans casse vu la densité rencontrée de sombres voyous et de psychopathes tueurs.
Voilà le genre de scénarios de comédie que les Frenchies savent confectionner et dont les producteurs d’Hollywood rachètent les droits de temps en temps, à condition qu’ils fassent déjà un carton chez nous, bien sûr. L’adaptation se fera avec trois fois plus de voitures cassées et d’échange de coup de feu. On peut sans se tromper écrire d’ores et déjà que dans la version US la violence sociale sera édulcorée, la jolie fille se rachètera après avoir été sauvée par son flic de copain et que ce dernier se révélera un type droit travaillant sous couverture au péril de sa vie. Il faut pouvoir vendre le produit aux familles américaines, ce sont elles qui font le marché.
Avec Rebelles, il y a par contre une morale. Dans la dernière séquence, la bimbo ne se barre pas avec son chéri, elle le braque avec la complicité de ses copines. Ce sont les seuls individus fiables de la comédie humaine. Vu l’énergie à revendre dont elles font preuve, on sent qu’elles peuvent repartir pour un tour.
Éric Desordre
* En français, Crime arnaque et botanique, de Guy Ritchie, 1998.