Âme rectiligne, songe à angle droit. / Les questions que Dieu nous pose se tracent au cordeau sur le sable. / À peine apparues déjà effacées par le remous de la raison. / Nos cauchemars sont calmes comme des oiseaux endormis.
Il ne faut pas les réveiller. Tentons d’en maîtriser le chant, d’en comprendre le sens ; peut-être s’ils se réveillent saurons-nous alors les apprivoiser.
Va-et-vient renouvelé du corporel au cosmique, peau, os, organes ; pulsars, étoiles, Saturne. La planète tourne et l’étoile pulse comme le sang dans les réseaux souterrains de notre matrice, cette maison marchante qu’est notre corps, cette enveloppe qui nous distingue, nous abrite, nous enferme.
Une bruine de sang, plus salée que l’eau de mer, maquille une à une nos blessures. / L’infatigable soufflet de l’absurde ravive nos silences. Puissance des évocations où la figure christique est présence invisible et silencieuse.
La douleur des corps et des souvenirs des corps est comme brume enveloppante. Seul le corps amoureux, bras tendus, peut freiner une masse dans sa chute. C’est dire les heures au chevet des mourants.
La tristesse a élaboré un plan auquel il est difficile d’échapper. / Ne nous accompagne plus maintenant que les amours palliatives. C’est dire la Pietà tenant dans ses bras le Fils de l’Homme ; c’est l’ami recueillant l’amant à son dernier souffle.
Être étiré au fil à plomb, grand phasme interstellaire dormant « allongé sur un fil », Francis Coffinet institue les frontières, les horizons droits ou à la courbure de grand arc. Il habite les interstices ; venu des confins, il surgit à vos côtés pour vous ensorceler. Ductile et vaporeux, il se métamorphose dans l’instant en lame de samouraï ou en instrument de bloc opératoire. Notre identité nous traverse comme une comète, elle s’éloigne, revient, s’éloigne à nouveau – / Nous sommes inclus dans sa course, seul son passage nous nomme et nous détermine. / Elle perfore un à un nos organes – elle nous coud de son aiguille.
Souverain mage empruntant les portails de l’espace-temps, il suit les lignes par lui tracées, détendant les forces accumulées au cours de son voyage entre les mondes.
La postface d’Emmanuel Godo nous dévoile magnifiquement « le pouvoir inespéré », celui « d’être vrai, d’être juste », « d’être fraternel et de s’enfoncer lentement » dans la terre meuble de l’humanité. « …les poèmes de Francis Coffinet nous conduisent à un lieu profondément humain – dans les parages immédiats de nos blessures, de nos désirs, de nos amours. »
Francis Coffinet fait tout du bout des doigts, en chirurgien concentré, ses mains séparant le bon grain de l’ivraie qui l’intéresse. L’ivraie ressemble aux élytres, aux ailes des libellules trop nécessaires pour qu’on les néglige. Le voyage sans elles prend trop de temps. Sans ailes, il ne pourrait vous surprendre, vous changer en rubis à mettre à la boutonnière, près du cœur.