Le multilatéralisme, les nouveaux centres de pouvoir et les BRICS
Ancien diplomate et universitaire
Vendredi 08 novembre 2024 | 16:29
Le renforcement des BRICS pourrait contribuer à un changement profond du modèle et du système actuellement acceptés. Actuellement, le monde est aux prises avec une période de profonds changements. Les structures qui ont dominé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui ont été organisées en relation avec un monde de deux puissances (les États-Unis et l’URSS), une fois que le secteur socialiste de l’Europe est tombé (1989), le monde a été laissé entre les mains d’une puissance politico-économique dirigée par les États-Unis, fondamentalement alliée à l’UE (Union européenne) et une structure politico-militaire a été maintenue par l’OTAN, comme un héritage de ce monde à deux puissances. Au début du XXIe siècle, cet ordre est fissuré. Le développement de certains pays (en Asie, en Amérique et en Afrique) crée des institutions et des organisations, alternatives au pouvoir unique et centralisé actuel, formant de nouveaux centres de puissances économiques, sociales et militaires.
BRICS : au-delà de l’idéologie
Dans ce contexte, je voudrais faire référence à la création et au développement des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui répondent à la diversité de notre époque, ayant pour caractéristique essentielle l’union de pays dont les systèmes politiques et économiques sont différents les uns des autres. Leur union va au-delà de l’idéologie, en hiérarchisant leurs objectifs.
Les BRICS diffèrent du G7 en ce sens que ce dernier est une union économique et idéologique (occidentale). Le G7 (anciennement G8, la Russie s’est retirée) a dominé pendant des années sans contrepoint est un exemple de puissance unipolaire.
La semaine dernière, le 16e sommet annuel des BRICS s’est tenu dans la ville de Kazan, en Russie, du 22 au 24 octobre. Les quatre nouveaux membres de 2024 ont également participé à cette réunion : l’Égypte, l’Iran, les Émirats arabes unis et l’Éthiopie, ainsi que 34 pays intéressés à y adhérer.
Les BRICS représentent déjà près de 50% de la population mondiale, contre 10% pour le G7. Parmi les BRICS, selon les données du FMI, la Chine a le PIB le plus élevé (avec les États-Unis, le plus élevé au monde en 2024). Le Brésil et l’Inde suivent. Ensuite, la Russie, qui dans le classement du FMI, est passée de moyenne-élevée à élevée, et l’Afrique du Sud est le plus faible des membres fondateurs, d’après la mesure annuelle.
L’un des objectifs des BRICS est de « soutenir le développement durable et la prospérité des pays ». Ils ont créé un système de relations internationales basé sur la Charte des Nations Unies, qui stipule que « le développement de tous les pays doit être autorisé ».
Cependant, cela ne s’est pas matérialisé dans le système actuel d’énergie unique. En fait, les politiques promues par des organisations telles que le FMI et la Banque mondiale font pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent en œuvre des mesures socio-économiques qui ne répondent pas toujours aux besoins de leurs citoyens.
Un exemple actuel est l’exigence du FMI et de la Banque mondiale que le gouvernement ukrainien vende et privatise toutes les banques publiques, comme condition d’accès à de nouveaux prêts. Ces pressions et d’autres représentent un risque pour l’avenir du pays.
La déclaration finale du sommet : quatre axes principaux :
- Le multilatéralisme
- La coopération pour la stabilité et la sécurité
- La coopération économique et financière
- L’échange entre les peuples
Au sein de ces axes, plusieurs enjeux ont été soulevés, tels que la nécessité de réformer les Nations Unies et ses agences pour les adapter au présent et intégrer les nouveaux centres de pouvoir, la protection des droits de l’homme et de l’environnement, et la lutte contre le racisme et la discrimination religieuse.
Dans le domaine économique, il a été proposé de créer son propre système d’échange monétaire entre les membres, en évitant de dépendre du système SWIFT, et d’établir un système d’assurance indépendant de l’Occident.
Il a également été question de progresser dans la dédollarisation du commerce international, de développer un système de paiement par carte appelé BRICS-Pay et de créer une monnaie collective, en maintenant la souveraineté monétaire de chaque pays.
Puissance multipolaire : comment les BRICS défient-ils l’Occident ?
Le renforcement des BRICS pourrait contribuer à un changement profond du modèle et du système actuellement acceptés. Changer le fonctionnement des organisations de relations internationales pourrait, par exemple, réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis des États-Unis et renforcer ses structures dans les domaines économique et militaire. De cette façon, de nouveaux centres de pouvoir seraient favorisés qui offriraient des opportunités aux pays en développement de tous les continents.
Quant à l’Amérique latine, nous ne pouvons pas rester en marge de cette nouvelle réalité en formation. Nous ne devons pas rester liés à une seule puissance, mais nous ouvrir aux nouvelles opportunités offertes par le multilatéralisme et les nouveaux centres de pouvoir. La chose la plus démocratique est d’avoir une diversité d’options, ce qui permet aux pays de choisir l’alternative la plus appropriée à leurs besoins.
L’avis de la rédaction :
Nous avons été très heureux de donner la possibilité à un diplomate de présenter une autre vision de la politique internationale que celle véhiculée généralement sous nos latitudes. Les nouveaux acteurs puissants de la vie économique mondiale que sont les BRICS et leurs plus récents membres sont une alternative intéressante et légitime à un ordre mondial jusqu’à présent largement dominé par les États-Unis d’Amérique. Que de nouvelles entités apparaissent dans la tectonique des plaques géopolitiques et fassent bouger le monde vers plus de choix et de liberté – au moins économique et financière – peut en effet sembler positif, et en particulier pour nous autres européens. Le multilatéralisme a ses vertus. Tout ce qui bouge et fait bouger nous intéresse. Du monde qui bouge, les BRICS font partie même si certains de ses membres ne sont pas des exemples de démocraties. Il n’en demeure pas moins que toute organisation d’états est un outil de pouvoir au service de ses membres, et généralement de ses membres déjà les plus puissants. Ne perdons pas de vue qu’en s’opposant, on se positionne, qu’on soit G7, G8, G20, BRICS, FMI ou autre avatar. Mais bon, ce n’est pas nouveau et aucun pays n’est irréprochable.