J’ai déjà écrit une chronique sur l’usage du « mais » :
https://rebelles-lemag.com/2023/11/06/du-bon-usage-du-mais-et-du-signe-egal/
Je résume à grands traits le début, pour ceux qui ne veulent pas le lire :
Tout le monde le sait bien, c’est après le « mais » que les choses sérieuses commencent :« Je ne suis pas raciste mais… ».
Samedi 23 juin, est paru dans Libération un entretien avec le sociologue Didier Eribon, à propos des raisons qui ont conduit le vote ouvrier à se tourner vers le RN.
Au cours de l’échange Didier Eribon invente un nouveau « mais », que l’on peut qualifier de « mais de gauche ». Je cite : « Ma mère était raciste mais elle votait à gauche, participait aux grèves… ».
Nous assistons donc à un glissement, ou plus exactement à un retournement que je qualifierais d’historique. Dans le premier cas, que je citais en préambule, (bien évidemment un «mais de droite »), le locuteur insiste sur le début de la phrase, qui est ce que l’on doit retenir : « Je ne suis pas raciste ». Dans le cas de Didier Eribon, c’est l’inverse. Oublions donc le début et ne retenons que: « …elle votait à gauche… ».
Le tour (et quel tour!) est joué. Ce « elle votait à gauche » rend le début de la phrase, l’avant-mais, caduque. Le fait qu’elle votait à gauche rend ce racisme sinon « raisonnable », tout du moins acceptable. Le racisme de gauche est donc compréhensible, voire excusable, contrairement au racisme de droite.
On le savait déjà pour l’antisémitisme qui, bien évidemment, chez LFI, s’explique par des raisons politiques (contrairement à l’antisémitisme de droite qui est purement « racial ») et est par là-même assez logique et tolérable.
C’est donc officiel : le racisme de gauche est meilleur que le racisme de droite.
La porte est maintenant ouverte.
Je n’accuse en rien Didier Eribon de vouloir justifier un tel fait. Il le décrit. Néanmoins, la logique qui en découle est bien celle-ci. Le racisme de sa mère était en quelque sorte « contenu » par son militantisme.
D’ailleurs l’histoire culturelle nous l’enseignait déjà. Pour ne citer qu’un seul cas, si l’on voue aux gémonies les écrits ignobles de Céline, on ne dit pas un mot de Jean Renoir déclarant en 1941, à Lisbonne : « Hitler est un homme à ma main… J’ai été victime des juifs. Quand je reviendrai, je serai dans une France désenjuivée où l’homme aura retrouvé sa noblesse et sa raison de vivre. ».
Mais n’en parlons pas, Renoir était de gauche! Trouvez-moi donc un article qui le mentionne. Oublié l’antisémitisme de Renoir, tout comme celui de Jean Luc Godard (qui était évidemment politique !)
Nous devons savoir que désormais, il faut se méfier des deux côtés du mais.