One Love Peace Concert
Après la sortie de l’album Kaya, Bob Marley retourne en Jamaïque pour être la tête d’affiche du One Love Peace Concert où il réussira à faire venir sur scène et à se serrer la main les deux ennemis mortels de la politique de l’île, Edward Seaga et Michael Manley. Le moment où il tient leurs mains serrées entre les siennes figure parmi les moments les plus vibrants de sa carrière. Il était comme ça : il arrivait à faire se réunir les gens, même ceux qui se détestent.
Babylon By Bus
Ensuite, le groupe tourne en occident et cet album live est principalement enregistré à Paris. Les versions live de ses morceaux sont magnifiques, notamment un Exodus de stature “biblique” :
Jamming est remarquable, également :
L’album Survival
Fin 1978, Bob réalise un vieux rêve : aller en Ethiopie, terre de celui qu’il considère comme le Messie, Hailé Sélassié. Bouleversé par ce voyage, il décide de réaliser un album entièrement tourné vers l’Afrique. Ayant fait construire un studio d’enregistrement dans sa maison de Kingston, c’est là que Bob et les Wailers enregistrent l’album Survival. Dans l’Afrique du Sud de l’époque, toujours en plein apartheid, l’album sera mis en vente mais certaines plages du disque rayées au couteau pour qu’on ne puisse les écouter !
Parmi les titres, une chanson, Zimbabwe, aura un sacré destin. Elle deviendra l’hymne des rebelles de Rhodésie du Sud face au pouvoir du gouvernement de Ian Smith, le représentant raciste de la minorité blanche dirigeante. Qui plus est, une fois l’indépendance acquise et le pays renommé Zimbabwe, Bob et les Wailers auront l’honneur de jouer cette chanson, lors de la passation de pouvoir, devant le nouveau président Mugabe, le prince Charles de Galles, le président zambien Kenneth Kaunda et le premier ministre indien Indira Gandhi :
L’album Uprising, le dernier…
Celui-ci contient quelques surprises musicales notables, dont l’excellent Could You Be Loved, qui pose cette question existentielle d’importance : pourrais-tu être aimé ? La musique est très innovante, s’inspirant notamment du funk à la guitare et du disco à la batterie :
Suit l’Uprising Tour qui sillonne la planète et établit de nouveaux records d’affluence du public.
Mort d’un prophète
Tout a commencé avec un incident stupide et sans importance apparente. Grand fan de football, Bob en jouait chaque jour. En 1977, au cours d’un match, il est blessé au pouce du pied droit. Quelques jours plus tard, en sortant d’un de ses concerts, où il danse toujours beaucoup, il a le pied en sang. Après toute une batterie d’examens, il est diagnostiqué d’un mélanome au gros orteil et le médecin lui conseille de le faire amputer. La cuture rastafari s’opposant au principe de l’amputation et craignant que ceci l’empêche de danser sur scène, il optera pour un traitement plus léger. Pour l’heure, le problème semble résolu. Rita disait que, d’après les médecins, c’était plutôt une maladie de blanc et c’est le blanc en lui (il était métis) qui avait attrapé ça.
Après un concert historique en septembre 1980 à New York au Madison Square Garden où, enfin, il y avait autant de noirs que de blancs, ce qui lui posait auparavant problème en Amérique, il s’écroule lors d’un footing. Les examens révèlent que son mélanome s’est généralisé en cancer touchant plusieurs parties du corps. Les médecins sont sidérés qu’il soit encore vivant mais ne lui laissent aucun espoir : une issue fatale est proche.
Des séances de radiothérapie et de chimiothérapie affectent son cuir chevelu et il est évident qu’il va perdre ses dreadlocks. Aucun rasta ne coupera jamais les dreadlocks d’un autre rasta et c’est Cindy Breakspeare et Rita Marley qui vont devoir les couper elles-mêmes.
Affaibli et amaigri, il meurt le 11 mai 1981 à l’âge de 36 ans.
Il aura quelques jours plus tard des funérailles nationales à Kingston en Jamaïque.
S’ensuivra des magouilles juridiques pour la possession de l’héritage où Rita Marley ne se montrera pas sous son meilleur jour. Bob n’avait pas fait de testament, “pour que chacun se révèle tel qu’il était”, selon Neville Garrick, celui qui s’occupait du graphisme de ses albums et qui en était très proche.
En 1980, Bob disait : “Le Diable contrôle l’argent. Si tu veux t’enrichir, il te faut donc faire un marché avec le Diable parce que c’est lui qui actionne les planches à billets.”
Marley de Kevin McDonald (2012)
Ce documentaire est une oeuvre essentielle pour comprendre qui était vraiment Bob Marley. Kevin McDonald n’a rien laissé au hasard et l’ouvrage est émaillé de témoignages passionnants de personnes qui l’ont approché toute sa vie durant, y compris dans l’enfance. On y voit bien sûr Rita mais également Bunny Wailer et Peter Tosh ses premiers complices, Cindy Breakspeare, les Wailers, etc. Pendant 2 h 25, on plonge dans la vie fascinante d’une personne hors du commun.
Disons que ce documentaire restera le meilleur moyen de saisir l’état d’esprit de l’homme et la portée de son message, bien plus que ne le fera le film de 2024, mais un biopic a ses limites dont un documentaire est totalement affranchi.
Le film One Love (2024)
Le biopic se focalise sur la période qui va de la tentative d’assassinat à la réalisation des albums Exodus et Kaya. C’est vraiment très bien fait et on plonge dans un monde à part, celui des rastas, qui me semble plutôt bien représenté. Les dialogues entre les musiciens sont plutôt savoureux, également. Certaines déclarations à caractère spirituel ont quand même dû faire se dresser les cheveux sur la tête du spectateur moyen, habitué aux biopics occidentalisés à l’extrême. Il est crucial de voir ce film en version originale sous-titrée : l’accent jamaïcain est tout à fait délicieux et parfaitement retransmis, ce qui est normal pour la plupart des acteurs mais tout de même surprenant pour les premiers rôles qui ont vécu toute leur vie en Angleterre.
Un seul regret : la quasi disparition de Cindy Breakspeare du film et dont le rôle est réduit à celui d’une figurante. C’est totalement injuste pour celle qui a été l’amour de sa vie et lui a donné un fils. Une vengeance tardive de Rita ? C’est fort probable.
Mis à part ce gros point noir, le film est passionnant de bout en bout et rends justice à Bob.
Epilogue
Comment définir Bob Marley en quelques mots ? Entre l’individu politique, l’artiste, le prophète, voire le prêcheur, il aura été une personnalité majeure du XXème siècle et il ne semble pas que sa popularité disparaisse de sitôt. Un dialogue extrait d’une série grand public, Lost, résume bien la situation. A quelqu’un qui lui demande : “tu aimes Bob Marley ?”, un personnage répond, en riant, comme pour mieux souligner l’évidence : “mais tout le monde aime Bob Marley !”
Dans une carrière au succès international pourtant de courte durée (quelques années), il a laissé sa marque dans la conscience humaine : celle d’une personne profondément religieuse et ancrée dans ses racines mais dont le message fraternel est universel et laïque.
Et la chanson Redemption Song est son magnifique chant du cygne :
“Emancipez-vous de l’esclavage mental,
Personne d’autre que nous-mêmes ne peut libérer nos esprits.”