I (a, e, i)
Râ, de son bec de faucon, émit soudain un grand ré – j’ai bien ri, je dois l’avouer. Lui non, car c’est l’ire qui avait provoqué cet air.
On créa un rite : Désormais serait célébrée quotidiennement la colère divine dans l’aire des humains. Une trace, qui sans répit, ne saurait se taire…
Râ récita ensuite la fable de la vache qui crépit sa langue pour ne plus paître, et la scène se termina par l’absorption massive de picrate.
(Picrate ! Picrate ! Picrate !)
II (a, e, o)
Râ et son ré donnèrent ainsi naissance à de nombreux récits et légendes…
Or l’histoire ne s’arrête pas là, car audible en la surface d’un are, sorti des entrailles de Râ, un énorme rôt retentit. Une race de rate s’en émut, il rota encore plus fort !
Garder la trace de ce nouvel évènement sonore ne fut pas de la tarte : On décida finalement de faire du dieu éructant un arcane majeur du tarot égyptien.
En ce temps-là, la qualité du raisin d’Héliopolis était atroce. Il eut fallu qu’on terçât les vignobles alentour. Mais Râ s’en fichait. Et pour bien montrer son désintérêt, il crotta en public ! Déposa à la vue de tous une excrémentielle carotte !
(Carotte ! Carotte ! Carotte !)
III (a, e, o)
Un an s’est écoulé. Changement de temps et de ton : Quand la fureur le prend, Râ ne chante plus un ré mais un do.
Après avoir décroché son troisième dan en judo, le fils préféré de Râ voyage en Suisse. Du Monte Brè, l’ado parfumé au nard se rend à Bern peaufiner son art du combat, l’abdo conquérant.
Râ, inconsolable, s’éprend de la darne de saumon, de thon, de cabillaud, de congre. Il ne se borne pas à bâfrer : D’abord il faut lui bander les yeux, afin que mieux il apprécie le rebond de la chair des poissons sur sa langue et son palais.
« C’est bonard ! », dit-il… et les victuailles maritimes et fluviales d’abonder !
(Abonder ! Abonder ! Abonder !)
IV (a, e, i, u)
Râ regrette-t-il son comportement ? Va-t-il faire sa B.A., en manière de rachat ?
Il a eu des faiblesses si gênantes, qu’on a su bien au-delà des frontières égyptiennes les manifestations de ces bas instincts.
Or, toute honte bue – je dis bien : sans aucun regret ! – Râ use de son tyrannique pouvoir pour son seul plaisir. Je me base ici sur d’innombrables témoignages : Quand vient l’aube, aux ides, il boit un seau de bière et baise toutes les femmes qui l’entourent. « Ça, c’est pas d’la daube ! » s’exclame-t-il, alors que des bas-bides il abuse, la gueule en biseau, tout ébaudi. « Prends ça dans l’abside ! » grogne-t-il en profanant le sanctuaire intime d’une pauvre victime…
Puis il goinfre, cuites à l’étouffée, moult viandes – ne manquant pas de souligner : « Ça, ce sont des daubes.»
Et de nouveau, on le sent tellement esbaudi !
(Esbaudi ! Esbaudi ! Esbaudi !)
Fabrice Villard