La beauté sauvera le monde seule en scène théâtral de et avec Barbara Castin, comprenant des textes de Jean Giono, Charles Péguy, Ronsard ou encore Karen Blixen. mise en scène de Pierre Boucard au Théâtre Essaïon à Paris les lundis et mardis à 21h
Meth, une femme seule avec un bébé erre dans les ruines du vieux monde, du monde d’avant. Elle calme l’enfant, qu’elle nourrit encore à la mode ancienne. Et lui parle de passé, d’où il vient comme nous venons tous des gens et des temps qui nous ont précédés… Le vent traverse le théâtre, il semble âpre et difficile à endurer…
Barbara Castin nous fait entrer dans son univers de jeune trentenaire atterrée par l’état de la planète et qui ne sait pas si elle doit faire des enfants ou non. Il faudrait être sûrs de savoir conserver les conditions de la vie, donc de conserver la vie pour avoir le désir de la transmettre. C’est semble- t-il un problème assez générationnel, qui atteint une tranche d’âge plutôt précise.
Dans son décor qui pourrait avoir des allures de lieu touristique… c’est-à-dire une charge de passé, une présence du long fil de l’histoire humaine, son personnage revisite des moments d’hier, de la fin du monde ancien, juste avant sa fuite, juste avant la débandade quand le sable s’évade et vide le vivant de sa vie…
Cette mère défaite et résistant encore a été une scientifique lanceuse d’alerte face à des économistes institutionnels, députés, lobbyistes, experts des télés, des radios… Pour eux la loi du marché est la meilleurs façon de marcher, et même la seule. Ils ne voient pas de difficultés insolubles et le plus urgent pour eux est d’attendre et de continuer dans la même manière. Dans ces débats où elle joue tous les rôles, elle va de la comédie à la tragédie, en zigzag, avec brio ; un petit côté « agit-prop » revisité à la mode d’aujourd’hui. Ces discussions interminables, avec, sur un bord, la transition écologique, l’espoir de sortir de « la crise » par le haut, par l’innovation, transition comme le passage du charbon au pétrole… et sur l’autre bord, la prise en compte forte et exacte de la réalité, avant que sa dureté ne vienne nous casser le nez. Les animaux disparaissent, ils s’évanouissent dans la nature, pas dans le sens d’autrefois, qui dit qu’ils sont tellement bien intégrés qu’on ne les voit pas mais dans un sens nouveau et effrayant : une disparition réelle et définitive.
Meth est entomologiste ou l’a été dans la vie antérieure, dans le monde d’avant… et elle a bien vu la disparition des bestioles qui polinisent… ces bestioles qui polinisent nourrissaient les oiseaux, qui nourrissaient toutes sortes de bêtes un peu plus grosses… Elle a bien vu cette construction de la nature, si vaste, si bien organisée, auto-organisée, pleine de mini-interactions, tellement croisées, nouées, tellement enchevêtrées que l’on appelle cela d’un nom spécial : un métabolisme.
La beauté du monde se sauve vers le néant, la beauté sauvera le monde… Il faut se mettre à sa restauration de toute urgence.
Un spectacle fin et subtil, qui contient beaucoup d’informations dites dans un mode poétique, du côté de la beauté.
Le jeu de Barbara Castin est impeccable, la mise en scène de Pierre Boucard simple et efficace. Un spectacle touchant où se mêlent la réalité du problème et l’authenticité de ces jeunes personnes qui doivent traiter ce problème nouveau et inconnu, sans antécédent !